En Turquie, le procès sans fin de la chercheuse Pinar Selek

Ins­tal­lée en France, la socio­logue et écri­vaine Pinar Selek est jugée depuis 25 ans dans son pays natal, la Tur­quie, pour un crime qu’elle a tou­jours nié et qui n’a même sans doute jamais exis­té.

Quatre fois jugées pour ter­ro­risme et quatre fois acquit­tée, Pinar Selek sera une nou­velle fois jugée à par­tir de ce ven­dre­di à Istan­bul. Mais contrai­re­ment à des dizaines d’amis, col­lègues, figures de la socié­té civile et du monde poli­tique qui ont fait le dépla­ce­ment par soli­da­ri­té, l’é­cri­vaine et socio­logue n’as­sis­te­ra pas à son pro­cès. Visée par un man­dat d’ar­rêt inter­na­tio­nal, celle qui risque aujourd’­hui la pri­son à per­pé­tui­té vit en France.

Voi­là 25 ans que la cher­cheuse se bat contre une accu­sa­tion dont il a été éta­bli qu’elle avait été mon­tée de toutes pièces. À l’o­ri­gine de cette affaire kaf­kaïenne, les tra­vaux uni­ver­si­taires de la socio­logue, qui s’est beau­coup inté­res­sée aux mino­ri­tés, armé­nienne et kurde. C’est ce der­nier sujet qui dérange et qui lui vaut sa pre­mière arres­ta­tion en juillet 1998.

On exige alors d’elle les noms des per­sonnes qu’elle a ren­con­trées. On l’accuse d’être liée aux com­bat­tants du Par­ti des tra­vailleurs du Kur­dis­tan (PKK). Pinar Selek refuse de par­ler. On la prive de som­meil, on lui déboîte le bras. « Là, ils ont vou­lu confis­quer non seule­ment mes recherches, mais aus­si tout mon métier et mes croyances », raconte-t-elle à RFI.

« Tor­ture psy­cho­lo­gique »

« Quand ils m’ont mise en pri­son, je pen­sais que je n’y res­te­rais pas long­temps. Mais deux mois plus tard, j’ai appris que je fai­sais face à une nou­velle accu­sa­tion », pour­suit-elle. La cher­cheuse se trouve désor­mais impli­quée dans une explo­sion meur­trière au Mar­ché aux épices d’Istanbul. Per­sonne ne l’avait jusqu’alors ques­tion­née à ce sujet. « Je l’ai appris à la télé­vi­sion », pré­cise-t-elle.

C’est le début de ce qu’elle com­pare à une « tor­ture psy­cho­lo­gique » : ses avo­cats doivent prou­ver qu’elle n’a rien à voir avec l’explosion, que des experts imputent à une bou­teille de gaz, rap­pelle notre cor­res­pon­dante à Istan­bul, Anne And­lauer. L’accusation, elle, main­tient la thèse d’un atten­tat. Mais la jus­tice ne tient aucune preuve. Pinar Selek est donc acquit­tée, quatre fois, entre 2006 et 2014.

À chaque fois, le par­quet fait appel. Et à chaque fois, la Cour de cas­sa­tion annule l’acquittement – la der­nière en juin 2022.

https://www.rfi.fr/fr/europe/20230330-en-turquie-le-proc%C3%A8s-sans-fin-de-la-chercheuse-pinar-selek





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