Ses avocats introduisent un pourvoi en cassation contre sa condamnation à perpétuité en Turquie.
Condamnée à perpétuité en Turquie après trois acquittements successifs, pour un attentat à Istanbul dont les expertises ont révélé qu’il s’agissait d’une explosion accidentelle, Pinar Selek veut tourner la page et s’extraire d’un mauvais film qui dure depuis 1998… Elle sort un roman dans quelques jours, ses avocats saisissent la cour de cassation pour contester sa condamnation.
Le scénario monté à Istanbul ne tient pas face à cette femme ! C’est une évidence et à Strasbourg, la communauté universitaire qui la soutient sans faiblir le sait. Tout comme les élus de la Ville, Roland Ries en premier, Pernelle Richardot et Eric Schultz aussi, le député Philippe Bies, de nombreuses personnes du monde associatif et de la diaspora turque…
A midi, au Club de la presse Strasbourg-Europe, où elle était reçue dans le cadre de la Journée internationale des femmes, Pinar Selek a dit qu’elle veut aujourd’hui et avant tout tourner la page… « Tous les matins au réveil et tous les soirs avant de m’endormir, je me dis ce mot « perpétuité » et je n’arrive pas à y croire. C’est comme une personne que vous venez de perdre et que vous ne reverrez jamais, quelque chose de définitif. Je dois faire le deuil de cette histoire, passer à autre chose. Mon père, qui a 86 ans (avocat et militant de gauche NDLR) m’a dit que la lutte pour la démocratie est un marathon. Pour moi, la résistance c’est refuser cette histoire et passer à autre chose, ouvrir de nouveaux horizons. Je ne veux plus être dans ce film ».
« Je ne veux plus être dans ce film »
Le volet judiciaire qui l’oppose à l’Etat turc depuis 15 ans maintenant incombe à ses avocats. Ils vont introduire un pourvoi en cassation. Dernière marche avant une éventuelle saisine de la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg. « Le tribunal qui m’a condamnée le 24 janvier dernier à la réclusion à perpétuité a publié hier ou avant-hier les motifs de sa décision. Habituellement, ils tiennent en quatre ou cinq pages. Là, il s’agit de 470 pages. Une thèse ! Mais qui n’a rien de scientifique, elle est absurde. Tout cela pour légitimer ma condamnation. Je veux prendre des distances avec cela. Continuer mon travail, mes recherches ».
Pinar Selek poursuit ses travaux de sociologue, participe régulièrement à des séminaires… en Turquie grâce à Skype et se prépare à la publication en France d’un roman, « La maison du Bosphore », qui sort les tout prochains jours et sera présenté mercredi 10 avril à Strasbourg.
Un roman : « La maison du Bosphore »
Son exil à Strasbourg, où elle est doctorante, risque donc de durer encore. Le président de l’UDS, Alain Beretz, l’a placée sous la protection de son établissement. Un geste fort, un symbole, qui est l’écho de la mobilisation et de l’accueil chaleureux que la jeune femme a trouvé en Alsace depuis sa première visite, à la fin des années 1980, lorsqu’elle est venue rencontrer un chercheur turc qui avait fui son pays après le coup d’Etat.
Pinar Selek a été mise en cause par les autorités judiciaires turques en 1998, dans le cadre d’une enquête sur une explosion survenue le 9 juillet de la même année sur le marché aux épices d’Istanbul. La jeune femme menait des recherches sur la communauté kurde et était soupçonnée d’être liée à un événement considéré comme un acte terroriste, mais qui devait s’avérer plus tard, selon plusieurs experts, être une explosion accidentelle provoquée par une bouteille de gaz.
Emprisonnée deux ans en Turquie, libérée en 2000, Pinar Selek a été jugée et acquittée à trois reprises, en 2006, 2008 et 2011 ; à chaque fois le procès a été cassé.
Pinar Selek, 41 ans, a quitté son pays en 2009.
Christian Bach
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