
La tête au carré.
Aujourd’hui revenons sur l’interminable combat de l’écoféministe Pinar Selek, poursuivi par la justice turque depuis 1998. Une folle histoire qui a commencé il y a désormais presque 27 ans, à Istanbul.
Le 11 juillet 1998, Pinar Selek est embarquée de force dans un véhicule banalisé.
Les autorités turques veulent lui arracher des informations confidentielles.
Pourquoi ? Parce que la sociologue enquête sur la question kurde… En pleine guerre d’indépendance, menée par le PKK !
Mais pour éviter des représailles fatales à ses sources, elle refuse de dévoiler la moindre identité. Et commence alors pour elle, un véritable cauchemar.
Nuit et jour, elle est rouée de coups, toute nue et les yeux bandés. Ses tortionnaires lui infligent des électrochocs sur les seins, la tête, les oreilles. Elle est suspendue à un mur, avec un revolver posé sur la tempe. Et parfois, la douleur est telle, qu’elle s’évanouit.
Malgré tout ça, jamais Pinar Selek ne donne le moindre nom. Ces sévices vont durer sept à huit jours, puis la chercheuse est jetée en prison. À ce moment-là, elle est brisée psychologiquement, incapable de se tenir debout. Elle pense que son calvaire touche à sa fin… Mais une autre forme de torture va alors débuter. .
Le 20 août 1998, un flash spécial est diffusé sur une télé de la prison. Et c’est le visage de Pinar Selek qui apparaît, accolé à la mention « terroriste ». Elle est faussement accusée d’avoir organisé un attentat à la bombe, ayant tué 7 personnes, dans le marché aux épices d’Istanbul. Dès le lendemain, l’affaire fait la Une de tous les journaux.
Mais celle-ci a été montée de toutes pièces. Les expertises officielles écartent l’hypothèse d’un attentat. Toutes concluent au contraire à l’explosion accidentelle d’une bonbonne de gaz. Alors, faute de preuve, Pinar Selek est libérée au bout d’un an et demi. Et pourtant, ce n’est que le début d’un acharnement politico-judiciaire. Presque 27 ans plus tard, l’écoféministe est toujours poursuivi. Elle a été acquittée à 4 reprises….
Mais à chaque fois, l’État fait appel et la cour de Cassation annule l’acquittement. En 2009, devant cette mascarade interminable, elle fuit à l’étranger. Pour ne pas attirer la soupçon à l’aéroport, elle part avec pour seul bagage une toute petite valise. À l’intérieur : des photos de sa mère, décédée en 2002, et de la sculptrice française Camille Claudel, son héroïne. Depuis 2010, Pinar Selek est donc réfugiée en France, pour éviter d’être à nouveau incarcérée.
D’autant qu’un mandat d’arrêt international a été lancé à son encontre… Et que le procès poursuit son court, avec une nouvelle audience prévue en avril. Condamnée à ne dormir que d’un œil, Pinar Selek a toutefois réussi à rebondir. Elle est devenue maîtresse de conférences à l’université de Nice… Où elle enseigne la sociologie et les sciences politiques. Entre deux cours, elle écrit aussi des contes et romans écologistes. Et traîne de temps à autre, à la zad de Notre-Dame-des-Landes.
Si nous parlons aujourd’hui de Pinar Selek dans la Terre au carré… C’est aussi parce qu’elle apporte sa pierre à l’édifice dans la pensée écologiste. Son crédo, c’est l’écologie sociale.
Elle appelle à réellement décloisonner les luttes. Et surtout, à bannir toute notion de priorité. À ses yeux, chaque système de domination – racisme, patriarcat, capitalisme – s’appuient sur des logiques communes. Un élément à ne surtout pas oublier, si l’on veut un jour stopper l’effondrement de la planète.
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