Pınar Selek, l’écoféministe traquée par l’État turc depuis plus de 26 ans

La tête au car­ré.

Aujourd’­hui reve­nons sur l’interminable com­bat de l’écoféministe Pinar Selek, pour­sui­vi par la jus­tice turque depuis 1998. Une folle his­toire qui a com­men­cé il y a désor­mais presque 27 ans, à Istan­bul.

Le 11 juillet 1998, Pinar Selek est embar­quée de force dans un véhi­cule bana­li­sé.
Les auto­ri­tés turques veulent lui arra­cher des infor­ma­tions confi­den­tielles.

Pour­quoi ? Parce que la socio­logue enquête sur la ques­tion kurde… En pleine guerre d’indépendance, menée par le PKK !

Mais pour évi­ter des repré­sailles fatales à ses sources, elle refuse de dévoi­ler la moindre iden­ti­té. Et com­mence alors pour elle, un véri­table cau­che­mar.

Nuit et jour, elle est rouée de coups, toute nue et les yeux ban­dés. Ses tor­tion­naires lui infligent des élec­tro­chocs sur les seins, la tête, les oreilles. Elle est sus­pen­due à un mur, avec un revol­ver posé sur la tempe. Et par­fois, la dou­leur est telle, qu’elle s’évanouit.
Mal­gré tout ça, jamais Pinar Selek ne donne le moindre nom. Ces sévices vont durer sept à huit jours, puis la cher­cheuse est jetée en pri­son. À ce moment-là, elle est bri­sée psy­cho­lo­gi­que­ment, inca­pable de se tenir debout. Elle pense que son cal­vaire touche à sa fin… Mais une autre forme de tor­ture va alors débu­ter. .

Le 20 août 1998, un flash spé­cial est dif­fu­sé sur une télé de la pri­son. Et c’est le visage de Pinar Selek qui appa­raît, acco­lé à la men­tion « ter­ro­riste ». Elle est faus­se­ment accu­sée d’avoir orga­ni­sé un atten­tat à la bombe, ayant tué 7 per­sonnes, dans le mar­ché aux épices d’Istanbul. Dès le len­de­main, l’affaire fait la Une de tous les jour­naux.

Mais celle-ci a été mon­tée de toutes pièces. Les exper­tises offi­cielles écartent l’hypothèse d’un atten­tat. Toutes concluent au contraire à l’explosion acci­den­telle d’une bon­bonne de gaz. Alors, faute de preuve, Pinar Selek est libé­rée au bout d’un an et demi. Et pour­tant, ce n’est que le début d’un achar­ne­ment poli­ti­co-judi­ciaire. Presque 27 ans plus tard, l’écoféministe est tou­jours pour­sui­vi. Elle a été acquit­tée à 4 reprises….

Mais à chaque fois, l’État fait appel et la cour de Cas­sa­tion annule l’acquittement. En 2009, devant cette mas­ca­rade inter­mi­nable, elle fuit à l’étranger. Pour ne pas atti­rer la soup­çon à l’aéroport, elle part avec pour seul bagage une toute petite valise. À l’intérieur : des pho­tos de sa mère, décé­dée en 2002, et de la sculp­trice fran­çaise Camille Clau­del, son héroïne. Depuis 2010, Pinar Selek est donc réfu­giée en France, pour évi­ter d’être à nou­veau incar­cé­rée.

D’autant qu’un man­dat d’arrêt inter­na­tio­nal a été lan­cé à son encontre… Et que le pro­cès pour­suit son court, avec une nou­velle audience pré­vue en avril. Condam­née à ne dor­mir que d’un œil, Pinar Selek a tou­te­fois réus­si à rebon­dir. Elle est deve­nue maî­tresse de confé­rences à l’université de Nice… Où elle enseigne la socio­lo­gie et les sciences poli­tiques. Entre deux cours, elle écrit aus­si des contes et romans éco­lo­gistes. Et traîne de temps à autre, à la zad de Notre-Dame-des-Landes.

Si nous par­lons aujourd’hui de Pinar Selek dans la Terre au car­ré… C’est aus­si parce qu’elle apporte sa pierre à l’édifice dans la pen­sée éco­lo­giste. Son cré­do, c’est l’écologie sociale.

Elle appelle à réel­le­ment décloi­son­ner les luttes. Et sur­tout, à ban­nir toute notion de prio­ri­té. À ses yeux, chaque sys­tème de domi­na­tion – racisme, patriar­cat, capi­ta­lisme – s’appuient sur des logiques com­munes. Un élé­ment à ne sur­tout pas oublier, si l’on veut un jour stop­per l’effondrement de la pla­nète.

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-l-actu-du-lundi-10-mars-2025 – 6057663





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