TURQUIE Une sociologue victime de la justice

Elle s’appelle Pinar Selek. Elle est turque et sociologue. Signe particulier : ce jeudi, à Istanbul, elle a été rejugée pour la quatrième fois après trois acquittements pour un « attentat » de 1998 qui avait fait 7 tués mais que des expertises avaient pourtant estimé n’être qu’une explosion de gaz. Cette fois, elle a été condamnée à la perpétuité…

Après le vrai-faux attentat de 1998 dans le marché égyptien d’Istanbul, Pinar Selek, 27 ans à l’époque, avait été arrêtée et torturée (elle en garde des séquelles physiques). Un homme l’accusait d’avoir préparé la bombe avec lui. Deux ans de prison plus tard, lors du procès, l’accusateur avouait l’avoir dénoncée pour satisfaire ses bourreaux qui le torturaient, alors que des experts expliquaient qu’il n’y avait jamais eu de bombe au bazar d’Istanbul.

L’acquittement dont Pinar Selek bénéficia fit l’objet d’un appel, qui se clôtura de semblable manière. Mais la Cour de cassation invalida le verdict, ce qui aboutit à un nouveau procès et à un nouvel acquittement. Ce 24 janvier 2013, un nouveau procès pour le même « attentat » a donc eu lieu après annulation du dernier verdict. Avec, donc, la perpétuité à la clé…

Spécialiste des minorités

Pinar Selek n’est pas n’importe qui. Cette chercheuse s’est spécialisée dans les minorités démunies, comme les Kurdes, les transsexuels ou les enfants de rue. Ses tortionnaires cherchaient en 1998 à obtenir les noms des rebelles kurdes qu’elle avait rencontrés dans le cadre de ses travaux.

Sur le site www.pinarselek.fr, cette antimilitariste affichée explique sa vocation de sociologue : « Il faut analyser les blessures de la société pour être capable de les guérir »…

Pinar Selek n’assistait pas à son procès à Istanbul jeudi. Depuis 2009, elle a choisi l’exil. L’Allemagne d’abord, la France maintenant. Une centaine de sympathisants ont manifesté devant le tribunal à Istanbul, dont une partie avait fait le déplacement d’Europe par solidarité..

Un journal turc, Habertürk, rapportait le commentaire de la sociologue il y a quelque temps lorsqu’elle apprit que son dernier acquittement avait encore été cassé : « Ils ne veulent pas laisser tomber. Je suis devenue une cible à cause de mes recherches. Cette affaire a eu lieu dans une période marquée par les complots. Que je sois encore victime d’un tel complot aujourd’hui m’amène à penser que ce qui m’arrive est lié à mes prises de position. En Turquie, il n’y a que trois options pour ceux qui, comme Hrant Dink (journaliste turco-arménien assassiné en janvier 2007), Nazim Hikmet (poète turc mort en exil à Moscou en 1963) ou moi-même, aiment leur pays et luttent pour la liberté : la prison, la mort ou l’exil ».

http://archives.lesoir.be/la-perpetuite-pour-un-attentat-douteux_t-20130125-02923E.html?query=pinar+selek&firstHit=0&by=10&sort=datedesc&when=-1&queryor=pinar+selek&pos=0&all=56&nav=1





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