Alors que va s’ouvrir en Turquie un nouveau procès contre la franco-turque résidant en France, des personnalités parmi lesquelles les Nobel Shirin Ebadi et Annie Ernaux et l’ancien garde des sceaux Robert Badinter appellent, dans une tribune au « Monde », le gouvernement à protester officiellement auprès des autorités turques.
Le 31 mars 2023, un procès va s’ouvrir à Istanbul à la demande de la Cour suprême de Turquie. Ce sera la mise en accusation d’une parole libre, de l’intelligence critique, de la démocratie. Ce procès sera le dernier d’une longue série qui s’étend sur vingt-cinq années à l’initiative du pouvoir turc et dont la sociologue Pinar Selek est la cible.
Que reproche le pouvoir turc à Pinar Selek ? Tout. Qu’a-t-elle fait ? Rien. Rien de répréhensible, rien d’illégal, rien de scandaleux. N’empêche : ce rien est en trop, il dérange. C’est un rien qui parle de sujets dérangeants dont la seule évocation vaut blasphème pour le pouvoir.
En démocratie, ce rien-là s’appellerait liberté de conscience ou encore liberté de la recherche, voire liberté, tout court. En Turquie, il expose à la vindicte cruelle d’un gouvernement pour qui ces libertés ne sont que désordre, qui en bannit la mémoire et réprime sauvagement ceux – et plus encore celles – qui auraient l’audace de s’en réclamer, publiquement ou non. Pinar Selek en a fait l’expérience douloureuse.
Quatre verdicts d’innocence !
A la fin des années 1990, elle est étudiante à l’université d’Istanbul, où elle travaille sur le traitement des minorités en Turquie. Cela déplaît. Arrêtée en juillet 1998, elle se voit sommée de livrer les noms des militants kurdes interviewés dans le cadre de ses recherches. Son refus lui vaut d’être torturée et de rester emprisonnée plus de deux années. Sur ces entrefaites, une bonbonne de gaz explose sur le marché des épices d’Istanbul. Le gouvernement se saisit immédiatement de cet « attentat » pour promouvoir Pinar Selek au rang infâmant de terroriste.
Depuis, sur la base de ces charges, Pinar Selek a été jugée à quatre reprises : en 2006, en 2008, en 2011 et finalement en 2014. A chaque fois, la justice turque, peu réputée pour sa mansuétude, l’a acquittée. Pinar Selek ? Innocente, une fois. Innocente, deux fois. Innocente, trois fois et, pour une dernière fois le 19 décembre 2014, innocente. Quatre verdicts d’innocence ! Cela suffirait à n’importe qui, n’importe où.
La Cour suprême de Turquie, elle, n’entend pourtant pas en rester là. Le 21 juin 2022, elle a annulé le dernier acquittement de Pinar Selek. Cela pourrait n’être qu’ubuesque, n’était que, de ce fait, elle se retrouve sous le coup d’une condamnation à la prison à perpétuité et d’un mandat d’arrêt international délivré à son encontre.
Pour un coup d’arrêt à cet acharnement liberticide
Il est plus que temps de porter un coup d’arrêt à cet acharnement liberticide ; les pays européens doivent cesser de regarder ailleurs et la France, pays d’adoption de Pinar Selek, devrait mettre un point d’honneur à peser de tout son poids pour défendre, au-delà de Pinar Selek, les principes qu’elle affiche.
Un proverbe turc affirme : « Mille amis, ce n’est pas trop ; un ennemi, c’est beaucoup. » L’ennemi de Pinar Selek est puissant. Pour l’affronter, elle n’aura pas trop de mille amis. C’est pourquoi nous nous tenons à ses côtés, dans son combat pour la justice, la démocratie, la liberté.
C’est pourquoi nous appelons le gouvernement français à prendre toutes les mesures de protection et de sécurité pour Pinar Selek, citoyenne franco-turque, et à adresser une protestation officielle auprès des autorités turques.
C’est pourquoi nous exigeons des autorités turques qu’elles annulent immédiatement et sans condition la condamnation à perpétuité de Pinar Selek, qu’elles mettent fin au harcèlement judiciaire ininterrompu dont elle est victime.
Premiers signataires : Etienne Balibar, philosophe ; Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux ; Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Gérard Chaliand, écrivain ; Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix ; Annie Ernaux, prix Nobel de littérature ; Ariane Mnouchkine, directrice du Théâtre du soleil, Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France ; Leila Shahid, ancienne ambassadrice de la Palestine ; Françoise Vergès, politologue et féministe antiraciste.
Autres signataires : Gilbert Achcar, professeur, SOAS ; Florence Alligier, avocate ; Patricia Allio, metteuse en scène, réalisatrice ; Irène Ansari, LFID ; Marie-Elisabeth Ardoin, chanteuse traditionnelle ; Gérard Aschieri, rédacteur en chef Droits & Libertés ; Claudine Avram, co-présidente Roya Citoyenne ; Leïla Bahsaïn, écrivaine ; Katy Barasc, philosophe ; Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg ; Léa Basso, orthophoniste ; Viviane Baudry, co-présidente Couserans Palestine ; Jean-François Bayart, professeur ; Mohamed Ben Said, J’y suis j’y vote ; Ingeborg Beugel, journaliste ; Michel Blay, directeur de recherche honoraire CNRS ; Françoise Bloch, socio-anthropologue ; Nohra Boukara, avocat ; Danielle Bousquet, ancienne députée et présidente du HCE ; Michela Bovolenta, Syndicat des services publics (CH) ; Olivier Brachet, ancien juge HCR à la CNDA ; Pascal Brice, ancien directeur général de l’Ofpra ; Claire-Akiko Brisset, enseignante-chercheuse ; Eva Bronnenkant, présidente Solidarité Femmes 25 ; Sophie Bussière, porte-parole EELV ; Claude Calame, EHESS Paris ; Charlotte Cambon, avocat ; Marie-Alix Canu-Bernard, avocat ; Damien Carême, député européen ; Anaïs Carton, réalisatrice ; Orélie Chen Fuchs, artiste ; Nara Cladera, SUD Education ; Dominique Clemang, avocate ; Valérie Clivet, GAF ; Solange Combes, La Ribambelle ; Benjamin Coriat, professeur émérite ; Isabelle Côte Colisson, GAF ; Françoise Cotta, avocat, Défense sans frontières – Avocats solidaires ; Jacques Cotta, journaliste, réalisateur ; Marie-Laure Coulmin, essayiste, traductrice ; Geneviève Couraud, ECVF et ADF ; Sylvain Crépon, maître de conférences en science politique ; Sophie Crozier, médecin hospitalier ; Marina Da Silva, journaliste ; Didier Daenkinckx, romancier ; Mireille Damiano, prix des droits de l’Homme 2020 du CNB ; Cybèle David, Solidaires ; Claire Davignon, professeur ; Denise Desautels, écrivaine ; Denis Desbonnet, journaliste ; Christine Détrez, directrice centre Max Weber ; Claudette Dhelens, professeur ; Catherine Sophie Dimitroulias, présidente Afem ; Antonio Dores, professeur ; Marie Dosé, avocat ; Bernard Dreano, président Cedetim ; Alain Dru, conseiller CGT au Cese ; Jean-Pierre Dubois, président d’honneur LDH ; Nathalie Duclos, AFSP ; Françoise Dumont, présidente d’honneur de la LDH ; Thomas Durand, journaliste ; Marianne Ebel, vice-présidente MMF/Suisse ; Ivan Ebel, artiste, graphiste ; Didier Epsztajn, animateur blog « Entre les lignes entre les mots » ; Julia Erazo, comité international péruvien ; Anne Eydoux, économiste ; Eric Fassin, professeur de sociologie ; Didier Fassin, professeur au Collège de France ; Nina Faure, réalisatrice ; Isabelle Faure Cromarias, avocat ; Sonia Fayman, sociologue ; Laurence Fleury, ingénieure de recherche ; Claire Fougerol, comité de soutien Paris ; Claude Fourcade, médecin ; Laurent Frajerman, sociologue, historien ; Patrice Franceschi, écrivain ; Gabriella Gagliardo, présidente Cisda ; Ursula Gaillard, traductrice littéraire ; Stéphane Gaillard, SOS Asile Vaud (CH) ; Anne Gainet, Solidarité Femmes ; Pierre Galand, sénateur honoraire (Belgique) ; Jean-Jacques Gandini, ancien président Saf ; Antoine Garcia Sanchez, avocat honoraire ; Xavière Gauthier, universitaire, autrice ; Chantal Girard, co-président Cel Marseille ; Hélène Gispert, professeure émérite Université Paris Saclay ; Susy Greuter, Afrika Bulletin ; Nilufer Gros, artiste de théâtre ; Janique Guiramand, SUD Recherche ; Agathe Hamel, conseillère Cese ; Benoît Hamon, ancien ministre ; Jacqueline Heinen, professeure émérite de sociologie ; François Héran, professeur au Collège de France ; Hélène Hernandez, Femmes libres (Radio Libertaire) ; Cédric Herrou, paysan ; Béatrice Hibou, directrice de recherche au CNRS ; Béat Hirsbrunner, professeur émérite Université de Fribourg ; Natalia Hirtz, sociologue ; Maryvonne Holzem, maître de conférences ; Ana Hopfer, artiste ; Sylvestre Huet, journaliste ; Sabina Issehnane, économiste ; Slobodan Ivicevic, artiste peintre ; Corinne Jacquet Garcia, CGT Ain ; Martine Jacquin, Défense sans frontières – Avocats Solidaires ; Christophe Jaffrelot, Association française de Science Politique ; Mohamed Jaite, avocat, AMDH ; Julia Jan, juriste ; Fanny Jedlicki, Ases ; Aurélie Journée-Duez, anthropologue ; François Journet, psychiatre ; Jacqueline Julien, Bagdam Espace lesbien ; Karolina Katsika, groupe Proudhon ; Jean Kehayan, journaliste, essayiste ; Nelly Kehayan, professeur ; Delphine Klopfenstein Broggini, conseillère nationale Les Vert-e-s (CH) ; Bernard Kouchner, ancien ministre ; Eugénie Kuffler, compositrice-interprète ; Smaïn Laacher, sociologue ; Souad Labbize, autrice ; Pascale Laborier, professeure ; Bernard Lahire, sociologue ; Myriam Laïdouni-Denis, conseillère régionale EELV ; Thierry Lamberthod, Amitiés kurdes Lyon ; Louise Lambrichs, écrivain ; Denis Langlois, avocat ; Eric Laugerotte, CGT Ferc Sup ; Michèle Le Doeuff, philosophe ; Kévin Le Détour, SUD Education ; Renée Le Mignot, présidente honoraire Mrap ; Henri Leclerc, président d’honneur de la LDH ; Annalisa Lendaro, chargée de recherches CNRS ; Alice Lenormand, avocate ; Inès Leraud, journaliste ; Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien ; Michael Löwy, directeur de recherches émérite au CNRS ; Yannick Luce, avocate ; Maryam Madjidi, écrivaine ; Maïté Maillet, présidente CNDF 84 ; Georgia Makhlouf, écrivaine, journaliste ; Nelly Martin, MMF/France ; Yves Martin Sisteron, CGT ; Marie-Thérèse Martinelli, MMF Occitanie ; Gustave Massiah, Forum social mondial ; Christian Masson, Mrap 06 ; Henry Masson, président La Cimade ; Antoine Math, chercheur Ires ; Nonna Mayer, directrice de recherche émérite ; Philippe Meirieu, professeur d’université, président Cemea ; Umit Metin, Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (L’Acort) ; Lilia Meunier-Mili, avocate ; Jean-Marie Michel, économiste ; Yorgos Mitralias, journaliste ; Catherine Nave-Bekhti, Sgen-CFDT ; Christine Nedelec, FNE Paris ; Camille Neve, avocate ; Aminata Niakate, porte-parole EELV ; Elisabeth Nicoli, avocate, AFD ; Vladimir Nieddu, People’s Health Movement France ; Rina Nissim, auteure ; Mel Noat, Planning familial ; Jean-Paul Oddos, Les Nuits & les Jours de Querbes ; Fabienne Orsi, économiste ; Danielle Othenin-Girard, psychologue ; Mathieu Oudin, avocat ; Dimitri Paratte, juriste ; Olivier Parriaux, professeur émérite ; Jacques Perreux, président Ami.e.s de la Roya ; Alexandra Picheta, doctorante études de genre ; Gilles Piquois, avocat ; Myriam Plet, Château de Goutelas ; Marie Pochon, députée EELV ; Stéfanie Prezioso, députée (CH) ; Suzel Prio, co-présidente Roya citoyenne ; Juan Prosper, avocat ; Dominique Quiroga, co-présidente Recif ; Elisa Ralle, avocate ; Isabelle Rhégi, présidente AFJD ; Diane Régimbald, Académie des lettres du Québec ; Catherine Renaux-Hemet, avocate ; Sandra Renda, avocate ; Marjolaine Renversez, avocate ; Marie Pilar Ric, Apiaf ; Julie Richard, psychologue ; Riki Van Boeschoten, professeur d’université ; Irinda Riquelme, JRS France ; Anne Rochette, sculpteure ; Anne Roger, Snesup-FSU ; Laurence Rossignol, vice-présidente du Sénat ; Gilles Rotillon, professeur émérite ; Josiane Rouiller, Migration Conseils Valais (CH) ; Constance Rudloff, avocate ; Hélène Saulou, Comité de soutien Hautes- Pyrénées ; François Sauterey, co-président Mrap ; Nicole Scheck, Habitat & Citoyenneté ; Anne-Françoise Schmid, professeur ; Camille Schmoll, professeur ; Patricia Schulz, ex-rapporteure du Cedef ; Véronique Sehier, Planning familial ; Linda Sherwood, Femmes solidaires 26 ; Dominique Sopo, président SOS Racisme ; Anne Souyris, adjointe EELV Paris ; Patricia Staine, Solidarité Femmes ; Mylène Stambouli, avocate ; Flor Tercero, avocate ; Benoît Teste, secrétaire général FSU ; Nicole Thuet, MMF Paca ; Michael Tolley, professeur honoraire ; Maryse Tripier, sociologue de l’immigration ; Aurélie Trouvé, députée ; André Ughetto, écrivain ; Miguel Urban Crespo, député européen ; Sixtine Van Outryve, doctorante en droit ; Nena Venetsanou, autrice-compositrice ; Marie-Christine Vergiat, vice-présidente LDH ; Patrice Vermeren, professeur de philosophie ; Nicolas Viano, éducateur ; Christine Villeneuve, co-directrice Editions des femmes ; Emmanuel Vire, SNJ-CGT ; Michèle Vitrac, présidente ECVF ; Christine Wyss, MMF Suisse ; Edmond Yanekian, président UCFAF ; Jean-Jacques Yvorel, historien ; Valentine Zuber, directrice d’études