À Nice, l’universitaire Pinar Selek poursuit son combat contre la Turquie qui l’accuse de terrorisme

La socio­logue turque, pour­sui­vie depuis 27 ans pour « ter­ro­risme », déjà acquit­tée à quatre reprises, et dont le pro­cès a été une nou­velle fois ren­voyé ven­dre­di, est aujourd’hui réfu­giée à l’université niçoise où elle est deve­nue maître de confé­rences.

C’est debout que Pinar Selek a pré­fé­ré s’exprimer, ven­dre­di à Nice (Alpes-Mari­times), pour une nou­velle fois dénon­cer l’acharnement judi­ciaire dont elle répète être vic­time en Tur­quie. Depuis 27 ans ans, la socio­logue turque, aujourd’hui réfu­giée à l’université azu­réenne, est accu­sée de « ter­ro­risme », et ce mal­gré déjà quatre acquit­te­ments.

Un nou­veau pro­cès devait débu­ter au même moment à Istan­bul, d’où sa mobi­li­sa­tion sur la Côte d’Azur, dans l’attente du ver­dict, et alors qu’elle reste sous le coup d’un man­dat d’arrêt inter­na­tio­nal. Mais pour la qua­trième fois en moins de deux ans, son affaire a été ren­voyée au 25 avril, a‑t-elle annon­cé entre décep­tion et aga­ce­ment, quelques minutes après la fin de sa confé­rence de presse orga­ni­sée au cam­pus de Val­rose, dans le centre-ville.

« Le but est de nous fati­guer, c’est une guerre des nerfs, mais ils n’effaceront pas nos sou­rires », a réagi la cher­cheuse, entou­rée de fidèles sou­tiens, dont les pré­si­dents des uni­ver­si­tés de Nice, Paris-Cité et Comue Lyon Saint-Étienne, ou encore Michèle Rubi­ro­la, la pre­mière adjointe mar­seillaise qui est une de ses proches. « Les attaques contre moi, contre mon tra­vail, contre mon uni­ver­si­té, ne sont pas des cas iso­lés », a‑t-elle sou­li­gné lors de sa prise de parole. « Par­tout dans le monde, des régimes auto­ri­taires et des forces obs­cu­ran­tistes cherchent à contrô­ler les esprits, à écra­ser la pen­sée intel­lec­tuelle, à muse­ler les voix cri­tiques », a insis­té Pinar Selek, en visant le régime du pré­sident Erdo­gan par­mi d’autres.

Chez elle à Nice

Depuis 1998 et son arres­ta­tion, la jus­tice turque lui reproche une pré­su­mée proxi­mi­té avec le mou­ve­ment kurde, notam­ment dans le cadre de ses tra­vaux, pour les­quels la cher­cheuse avait à l’époque refu­sé de don­ner les noms des per­sonnes inter­ro­gées. Elle est même accu­sée d’avoir par­ti­ci­pé à l’organisation d’un atten­tat non démon­tré, en lien avec une explo­sion sur un mar­ché stam­bou­liote, qui a fait sept morts et 121 bles­sés. Des experts avaient conclu à une fuite de gaz mais peu importe, Pinar Selek est res­té un temps empri­son­née et tor­tu­rée.

L’universitaire par­vient à se réfu­gier en France en 2012 avec des asiles aca­dé­miques à Stras­bourg puis à l’École nor­male supé­rieure de Lyon avant d’arriver à Nice. « À l’université Côte d’Azur, je suis chez moi. Mon asile est ter­mi­né. Pour tou­jours, ici, c’est mon uni­ver­si­té », dit-elle. Un poste de maître de confé­rences lui a été ouvert et elle béné­fi­cie encore d’une pro­tec­tion fonc­tion­nelle, a rap­pe­lé Jean­nick Briss­wal­ter, le pré­sident de l’institution qui compte près de 35.000 étu­diants entre Nice, Cannes, Grasse et Sophia-Anti­po­lis.

Elle avait d’abord béné­fi­cié du pro­gramme du Col­lège de France « Pause », qui per­met d’accueillir des cher­cheurs et ensei­gnants hors Union euro­péenne en dan­ger pour deux ans maxi­mum. Encore 566 scien­ti­fiques en béné­fi­cient cette année, dont près de 187 de natio­na­li­tés ukrai­niennes.

« Sans les tra­vaux de Pinar, nos socié­tés res­te­raient aveugles », a aus­si défen­du Édouard Kamins­ki, le pré­sident de l’université Paris-Cité. Au tri­bu­nal cri­mi­nel d’Istanbul, elle était notam­ment repré­sen­tée par son père, l’un de ses avo­cats, alors qu’elle ne sou­haite plus ren­trer en Tur­quie par crainte d’être arrê­tée et nou­veau pla­cée en déten­tion.

Elle répète vou­loir en finir avec cette pro­cé­dure judi­ciaire inter­mi­nable, mal­gré ce nou­veau ren­voi pour des rai­sons qu’elle ne com­prend pas. « Je suis un peu éner­vée mais on va y arri­ver », a‑t-elle lan­cé. Un repré­sen­tant du consu­lat de France était éga­le­ment pré­sent à l’audience en Tur­quie, alors que les res­pon­sables uni­ver­si­taires à Nice ont éga­le­ment assu­ré que son cas était encore sui­vi de près par le gou­ver­ne­ment fran­çais.

https://www.lefigaro.fr/nice/a‑nice-l-universitaire-pinar-selek-poursuit-son-combat-contre-la-turquie-qui-l-accuse-de-terrorisme-20250207





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