ENTRETIEN. Poursuivie en Turquie pour « terrorisme », Pinar Selek l’enseignante réfugiée à Nice jugée : « la barbarie n’a pas disparu avec le passé »

Le pro­cès à Istan­bul de la socio­logue et écri­vaine turque réfu­giée à Nice Pinar Selek, pour­sui­vie depuis vingt-six ans en Tur­quie pour « ter­ro­risme » mal­gré quatre acquit­te­ments, doit se tenir ce 7 février 2025. Elle enseigne désor­mais à l’u­ni­ver­si­té à Nice comme Maî­tresse de Confé­rences asso­ciée, c’est de là qu’elle s’ex­pri­me­ra.

e pro­cès à Istan­bul de Pinar Selek a été ren­voyé à ce ven­dre­di 7 février. Pour l’au­dience de ce 7 février, Pinar Selek sera à Nice à l’u­ni­ver­si­té Côté d’Azur où elle enseigne et mène ses acti­vi­tés de recherche.

« En effet, le 28 juin 2024, lors de la der­nière audience de ce pro­cès vieux de 25 ans, c’est l’université fran­çaise et les liber­tés aca­dé­miques qui ont été ciblées par le pou­voir turc via son Minis­tère de l’Intérieur », pré­cise son comi­té de sou­tien dans un com­mu­ni­qué. 

Et d’a­jou­ter : « Pinar enver­ra par la poste la médaille qu’elle a reçue de la Ville de Gre­noble en direc­tion de la pri­son d’Evin, à l’attention de Veri­sheh Mora­di et Pakh­shan Azi­zi, deux femmes kurdes condam­nées à mort en Iran. Car comme elle l’a dit : « Nargues Moham­ma­di (prix Nobel de la paix, qui était elle aus­si récem­ment en pri­son) nous donne un mes­sage : [nous avons à] ne pas les lais­ser dis­pa­raître dans le silence. Nous pou­vons les sau­ver, ou au moins, essayer ».

Elle était ce ven­dre­di, l’in­vi­té du jour­nal de France 3 :

C’est depuis Nice, via une visio­con­fé­rence que l’é­change entre Pinar Selek et ses avo­cats à Istan­bul une fois l’audience ter­mi­née, se fera.

Extrait de son dis­cours à la presse ce ven­dre­di :

« Pen­dant la Seconde Guerre mon­diale, lorsque l’U­ni­ver­si­té de Stras­bourg fut contrainte de fer­mer ses portes sous l’oc­cu­pa­tion nazie, c’est l’U­ni­ver­si­té de Cler­mont-Fer­rand qui l’accueillit.

En ouvrant ses portes à ses professeur.es, ses étudiant.es, ses chercheur.es, elle est deve­nue, face à la bar­ba­rie, un bas­tion de résis­tance intel­lec­tuelle.

Nous sommes fier.es de cet héri­tage. Mais la bar­ba­rie n’a pas dis­pa­ru avec le pas­sé. Aujourd’hui encore, la libre pen­sée, l’expression, la recherche sont en dan­ger. Nous le savons : la fas­ci­sa­tion n’est pas un phé­no­mène mar­gi­nal. Elle s’étend, se bana­lise à une vitesse effrayante. Les attaques contre moi, contre mon tra­vail, contre mon uni­ver­si­té, ne sont pas des cas iso­lés.

Elles s’inscrivent dans une offen­sive glo­bale contre les liber­tés aca­dé­miques, contre les droits humains, contre toutes celles et ceux qui pensent, ques­tionnent, résistent.

Par­tout dans le monde, des régimes auto­ri­taires et des forces obs­cu­ran­tistes cherchent à contrô­ler les esprits, à écra­ser la pen­sée intel­lec­tuelle et à muse­ler les voix cri­tiques. 

Le sou­tien uni­ver­si­taire 

Pinar Selek a été accueillie par plu­sieurs éta­blis­se­ments fran­çais d’enseignement supé­rieur et de recherche au cours de sa car­rière.

Elle s’est vu décer­ner un doc­to­rat Hono­ris Cau­sa par l’ENS de Lyon en 2013, a sou­te­nu sa thèse de doc­to­rat en science poli­tique à l’université de Stras­bourg en 2014, où elle a obte­nu l’asile aca­dé­mique, a été accueillie au Col­le­gium de Lyon (Ins­ti­tut d’Etudes Avan­cées) en 2014 – 2015 et est ensei­gnante-cher­cheuse à Uni­ver­si­té Côte d’Azur depuis 2022.

Quatre acquit­te­ments dans cette pro­cé­dure

La socio­logue et écri­vaine turque, réfu­giée en France, est pour­sui­vie depuis vingt-six ans en Tur­quie pour « ter­ro­risme » en dépit de quatre acquit­te­ments dans cette pro­cé­dure.

Bah­ri Bay­ram Belen, un des avo­cats de la défense, avait affir­mé au cours d’une brève audience, le  28 juin der­nier, que de « faux » docu­ments avaient été ajou­tés au dos­sier, jugeant que « cer­taines ins­ti­tu­tions admi­nis­tra­tives tentent d’in­fluen­cer le pou­voir judi­ciaire ».

Âgée de 53 ans, Pinar Selek, qui enseigne désor­mais à l’u­ni­ver­si­té à Nice, dans les Alpes-Mari­times, avait été arrê­tée en Tur­quie en 1998 pour ses tra­vaux sur la com­mu­nau­té kurde, avant d’être accu­sée d’être liée à une explo­sion qui venait de faire sept morts au bazar aux épices d’Is­tan­bul.

« Je suis face à l’ir­ra­tio­na­li­té »

Une exper­tise a mon­tré que le drame était dû à l’ex­plo­sion acci­den­telle d’une bou­teille de gaz mais les pour­suites n’ont pas ces­sé, mal­gré ses quatre acquit­te­ments en 2006, 2008, 2011 et 2014.

Libé­rée fin 2000, Pinar Selek est un temps res­tée se battre en Tur­quie, avant que des menaces ayant sui­vi la publi­ca­tion d’un ouvrage ne la poussent à l’exil.

« C’est un pro­cès kaf­kaïen. Je suis face à l’ir­ra­tio­na­li­té, et après vingt-six ans, je refuse de m’y habi­tuer », a décla­ré à l’AFP Pinar Selek, visée par un man­dat d’ar­rêt inter­na­tio­nal qui limite ses pos­si­bi­li­tés de dépla­ce­ments.

Comme lors des deux pré­cé­dentes audiences l’an der­nier, une délé­ga­tion inter­na­tio­nale d’une cin­quan­taine de per­sonnes, pour la plu­part des avo­cats, a assis­té aux brefs débats ven­dre­di.

Écrit par Anne Le Hars 

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