Pınar Selek n’était pas une inconnue pour nous. Nous avions déjà publié deux communiqués à son sujet en avril de cette année ainsi que quelques articles évoquant la tragédie insensée qui l’a profondément affectée dans sa chair et son esprit. Tout récemment, elle nous a contactés, nous avons parlé de sa situation, elle n’a pas eu beaucoup de difficultés à nous convaincre de mobiliser tous nos (petits) moyens pour la soutenir.
Un amoureux de la liberté ne peut qu’être révolté par son histoire semblant sortie du cerveau d’un Kafka ou du royaume du père Ubu. S’il ne s’était agi de tenter d’anéantir physiquement et mentalement une personne par la torture et la destruction de sa réputation, le monde entier aurait pu s’esclaffer de ce délire judiciaire.
Résumons la situation : Pınar Selek, sociologue et pacifiste, est poursuivie avec acharnement par une Haute Cour de « Justice » pour avoir commis un attentat qui s’est avéré être une explosion due à une fuite de gaz, sur un unique témoignage obtenu par la torture ! Aucune preuve matérielle, et le « témoin » s’est rétracté devant le tribunal en disant qu’il n’avait jamais rencontré Pınar Selek auparavant. Pınar a déjà été acquittée deux fois par la 12ème Chambre de la Haute Cour Criminelle d’Istanbul, mais l’équivalent de la Cour de Cassation remet à nouveau en question la décision sans aucun nouvel élément, demandant pour elle une peine incompréhensible et effarante de 36 années de détention ! Comme ça, pour rien ! Le dossier est totalement vide.
Il ne s’agit pas dans cette affaire de rendre une quelconque justice, mais de mettre à bas un symbole. Pınar ne s’est jamais soumise, elle a refusé de donner les noms des gens qu’elle avait contacté pour sa thèse sur le conflit avec les Kurdes. Pire, elle continue son combat pour les femmes, les enfants des rues, les transsexuels, pour les droits de l’homme, et elle s’obstine à décrire avec une extraordinaire justesse les maux qui rongent la société turque dans des publications dont certaines sont déjà traduites en allemand.
En dehors de « Barışamadık » (« Nous n’avons pas pu [su] faire la paix ») qui traite de la sale guerre contre les Kurdes, un des ouvrages les plus insupportables pour ses tourmenteurs est « Sürüne Sürüne Erkek Olmak » (« Devenir un homme en rampant ») qui décrit comment le service militaire forme des bons petits soldats et des citoyens soumis à l’ordre établi. Militarisme et virilité, deux sujets tabous dans un pays méditerranéen où l’armée est longtemps restée la gardienne de la république après avoir été un moteur essentiel du changement politique et social.
Comme Hrant Dink [1], comme Baskin Oran, elle est devenue le cauchemar des tenants de l’ordre ancien, des quelques ramifications du « Derin Devlet » [2] encore vivantes dans l’administration judiciaire turque. Elle appuie où ça fait mal, c’est la raison pour laquelle il faut l’abattre par tous les moyens, y compris en couvrant de ridicule aux yeux du monde entier des institutions déjà bien mal en point.
Plus personne en Turquie ne croit vraiment en la culpabilité de Pınar Selek, hormis quelques nationalistes pour qui le simple fait d’émettre la plus petite critique à propos de la Turquie fait de vous un ennemi de la nation. La société civile turque s’est mobilisée et continue de la soutenir, en Allemagne P.E.N lui a offert une bourse pour qu’elle puisse travailler à Berlin. En France, son Comité de Soutien a bien du mal à s’attirer l’intérêt des médias.
Nous avons donc décidé de soutenir Pınar Selek, parce qu’elle est pacifiste, parce que son courage force le respect, parce qu’elle défend les même valeurs que nous, parce qu’on ne saurait tolérer autant d’injustice, parce qu’elle est cette Turquie que nous aimons, parce que ce sont les rebelles qui sont créateurs et font évoluer les sociétés, parce qu’elle est de ceux qui participent activement à la démocratisation de son pays.
Vous trouverez au fil des semaines sur notre site, des articles et documents la concernant dont, en 3 parties, la plaidoirie qu’elle a faite le 17 mai 2006 devant la 12ème Chambre Correctionnelle de la Haute Cour de Cassation.
Nous demandons donc à toutes les personnes que ce déni de justice révolte ou indigne, de faire tout ce qui est en leur pouvoir – dans le respect de la loi bien sûr – pour que le 9 février 2011, un non lieu définitif soit rendu en faveur de Pınar. Prenez la plume, écrivez, signez la pétition, mobilisez la presse organisez des conférences, témoignez, contactez vos élus, les O.N.G défendant les droits humains, plus personne ne ne doit ignorer ce scandale judiciaire. Vous trouverez toutes les adresses nécessaires dans les documents et en suivant les liens ci dessous,
Nous vous remercions sincèrement pour toutes les actions que vous pourrez entreprendre, aucune n’est ou ne sera insignifiante.
Reynald Beaufort Vice-président fondateur de Turquie Européenne
www.turquieeuropeenne.eu/article4490.html