Acquittez Pinar Selek une fois pour toutes !

Alors que le sys­tème judi­ciaire turc se retrouve au coeur d’un débat hou­leux remet­tant en cause sa légi­ti­mi­té, chaque jour qui passe voit l’É­tat de droit s’ef­fi­lo­cher un peu plus. Der­nières nou­velles tom­bées avec le Jour de l’An : le pro­cu­reur géné­ral de la Cour de cas­sa­tion demande que la jus­tice enté­rine la récente condam­na­tion de Pinar Selek à la réclu­sion à per­pé­tui­té (ver­dict pro­non­cé en jan­vier 2013).
Depuis des mois, l’É­tat turc demande à la France l’ex­tra­di­tion de Pinar Selek. Or, cette demande qui date de l’é­té der­nier a déli­bé­ré­ment été dif­fu­sée dans les médias turcs juste avant que le pro­cu­reur géné­ral ne demande à la Cour de cas­sa­tion de confir­mer la condam­na­tion .

Ce der­nier épi­sode démontre que l’in­ten­tion est à l’é­vi­dence de cri­mi­na­li­ser Pinar Selek : les auto­ri­tés mettent en avant des faits anciens comme s’il s’a­gis­sait de nou­velles fraîches pour per­sua­der le grand public que cette femme est une cri­mi­nelle.

On le sait, la 12e Cour pénale d’Is­tan­bul a déjà acquit­té Pınar Selek de tous les faits qui lui étaient repro­chés à trois reprises : en 2006, 2008 et 2011.

Son der­nier ver­dict dans ce sens a été cas­sé par une déci­sion pro­vi­soire, à un moment où le pre­mier juge de la 12e Cour pénale d’Is­tan­bul était en congé de mala­die. Ce retour­ne­ment a été pro­vo­qué par le magis­trat qui le rem­pla­çait et par l’un des trois juges qui avait pré­cé­dem­ment voté l’ac­quit­te­ment. Ain­si, l’ac­quit­te­ment défi­ni­tif de Pinar Selek a été annu­lé par le tri­bu­nal qui l’a­vait pro­non­cé, avant même l’au­dience en appel de la Cour de cas­sa­tion, dans le mépris total du droit pro­cé­du­ral et pénal. À l’au­dience sui­vante, Pinar Selek a été condam­née à la pri­son à vie, contre l’a­vis du pre­mier juge qui avait repris ses fonc­tions après son congé de mala­die.

Il a suf­fi de deux audiences pour trans­for­mer trois acquit­te­ments suc­ces­sifs en condam­na­tion à la pri­son à vie, sans que le minis­tère public apporte de nou­velles preuves ou de nou­veaux argu­ments sus­cep­tibles d’an­nu­ler les déci­sions de jus­tice anté­rieures.

Pinar Selek a été accu­sée d’a­voir pro­vo­qué une explo­sion au mar­ché aux épices d’Is­tan­bul sur la foi des pro­pos d’un sus­pect qui aurait décla­ré à la police : « Nous avons posé la bombe ensemble. » Ce sus­pect qui s’est ulté­rieu­re­ment rétrac­té a affir­mé que son témoi­gnage lui avait été extor­qué sous la tor­ture. Il a ensuite été relaxé de toutes les charges qui incri­mi­naient éga­le­ment Pinar Selek, et acquit­té sans que le pro­cu­reur s’op­pose à cette déci­sion. Autre­ment dit, dans cette affaire le pro­cu­reur a fait appel de l’ac­quit­te­ment de Pinar sur la base du témoi­gnage d’un sus­pect, qui non seule­ment a été blan­chi par la jus­tice, mais qui était de sur­croît reve­nu sur la décla­ra­tion dans laquelle il avouait avoir posé la bombe avec Pinar.

Bien qu’elle n’ait jamais été inter­ro­gée sur ces faits, Pinar Selek est donc la seule à être condam­née pour eux. Cela prouve de façon écla­tante qu’on l’a déli­bé­ré­ment choi­si pour cible.

Son pseu­do-com­plice ayant été défi­ni­ti­ve­ment acquit­té, il n’est plus léga­le­ment tenu pour sus­pect.

Les rap­ports d’ex­per­tise effec­tués entre-temps ont confir­mé que l’ex­plo­sion du bazar aux épices était due à une fuite de gaz. En dépit de ces ana­lyses scien­ti­fiques attes­tant qu’il n’y avait pas eu d’at­ten­tat, le sys­tème juri­dique s’é­ver­tue à dési­gner Pinar Selek en cou­pable d’un crime for­gé de toutes pièces.

Toutes ces déci­sions d’in­jus­tice ont pour but de per­sua­der le grand public que cette mili­tante pour la paix est en réa­li­té une dan­ge­reuse meur­trière. Au lieu de dénon­cer ce men­songe qui fait honte à la conscience natio­nale, le pro­cu­reur en chef de la Cour de cas­sa­tion, après avoir révo­qué sans expli­ca­tions le der­nier acquit­te­ment, réclame main­te­nant que le droit enté­rine la condam­na­tion de Pinar Selek à la réclu­sion à per­pé­tui­té.

Les auto­ri­tés judi­ciaires ont le devoir de s’op­po­ser à toutes les formes d’in­jus­tice, de rendre des déci­sions fon­dées en droit, en dehors de toutes consi­dé­ra­tions poli­tiques. Ce devoir de jus­tice est plus impor­tant que jamais, à une époque où les luttes de pou­voir montrent leur visage répu­gnant. Per­sonne ne se sent en sécu­ri­té dans un pays qui bafoue ses propres lois.

Seize ans de pro­cé­dure et de per­sé­cu­tion à l’en­contre de Pinar Selek n’ont pas réus­si à enta­mer la confiance que nous pla­çons en la jus­tice, et nous vou­drions plus que tout conti­nuer à croire en elle. Parce qu’il est urgent de répa­rer cette ter­rible erreur judi­ciaire, nous exi­geons que Pinar Selek soit acquit­tée une fois pour toutes.

Le col­lec­tif de soli­da­ri­té avec Pinar Selek, Tur­quie.





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