Pinar Selek, sociologue turque et auteure, militante féministe et de la défense des droits de l’homme, a été condamnée par la justice de son pays à la prison à perpétuité, verdict qui revient sur un acquittement après un long procès politique purement fabriqué. De nombreux comités de soutien se sont formés partout dans le monde et particulièrement en France. Le 13 mai 2017, de nombreuses associations se sont réunies à Nice pour un évènement festif et d’information autour de Pinar, présente ce jour-là. Justice pour Pinar !
Discours de Teresa Masftis pour le Comité de défense de Pinar Selek à Nice :
Pinar, tu es le symbole radieux d’une Turquie résistante, malgré la répression permanente, qui doit pouvoir continuer à penser, à créer, à s’organiser, à lutter, se révolter. Tu es aussi pour nous une compagne de lutte chaque jour, de chaque instant.
Avec l’ambition délirante d’anéantir toute opposition, le régime turc, mobilisant des forces et des moyens jusqu’au grotesque, continue à mener quotidiennement un “génocide politique”, et à remplir ses geôles. Pour ce faire, il utilise tout les moyens d’un Etat de non Droit, et ce dans son plus large éventail : de la Justice confisquée à la Police zélée. Sous état d’urgence, décret par décret, il opprime, menace, licencie, emprisonne, détruit la vie de dizaines de milliers de personnes et de leurs familles. Sous prétexte de “mobilisation générale”, il plonge les populations divisées, incitées à la haine, dans la peur et la méfiance. Il les invite à “agir” en toute impunité, encourageant les moyens violents, la délation du voisin, jusqu’au lynchage médiatique ou sur les réseaux sociaux, quand ce n’est pas dans la rue, à coup de coup de pieds ou de bâton… Certains et certaines, pourtant peu partisans de ce régime, parviennent encore sur place à regarder ailleurs et vaquer à leurs “affaires” comme si de rien n’était, vivant comme des “touristes” apolitiques dans leur propre pays. Cette réalité est pourtant là, même si elle semble diluée à l’Ouest dans la mégalopole turque.
Tu es le symbole de cette Turquie qui résiste à l’autoritarisme nationaliste dont le président Erdogan est le dernier avatar, et peut-être le plus dangereux pour la démocratie. Le combat que tu n’as jamais renoncé à mener est la cible d’une répression qui est emblématique de l’acharnement du pouvoir turc à museler toute liberté d’expression et de pensée, toute tentative d’émancipation et de résistance.
Tu fais l’objet en Turquie d’un procès inique qui dure depuis 19 ans. Le 25 janvier 2017, après une attente infinie, le procureur de la Cour de Cassation de Turquie a délivré son réquisitoire : il demande une condamnation à perpétuité.
Réfugiée en France depuis 2011, tu es sociologue, docteure en sciences politiques, enseignante à l’Université de Nice, écrivaine, féministe, non-violente, objectrice de conscience, militante pour les droits des minorités, soutenant la cause Palestinienne, et pour la reconnaissance du génocide arménien. Sur notre territoire, tu t’investis au sein de l’association lesbienne et féministe La Lune de Strasbourg, et dans une chorale de chants révolutionnaires à Lyon. Pour toi, le mouvement féministe représente une dissidence dont le projet va bien au-delà d’une lutte pour l’égalité. S’inscrivant dans les luttes locales et internationales contre toutes les formes de domination, tu espères contribuer à réinventer la politique malgré sa violence extrême, et voir un jour un monde de paix et de justice, pour toutes et tous.
A travers nos nombreux comités de soutien en France et ailleurs, nous résistons avec toi. Tous les liens que tu as tissés, à Nice et dans d’autres villes, sont une force collective. Cette force peut agir maintenant : empêcher ta condamnation, faire connaître tes écrits, tes idées, résister à tes côtés, ouvrir des portes et des chemins qui te protègerons et te donneront l’énergie de continuer. Avec toi, construisons des stratégies de résistance. Nous nous devons de résister avec et pour toi, car tu es des nôtres dans tous les combats que nous partageons pour une société plus juste.
En France, de notre côté, nous devons aussi lutter sans relâche afin de défendre nos acquis : liberté d’expression, de circulation. L’exclusion est de plus en plus prégnante, les atteintes à la démocratie toujours plus nombreuses sous couvert d’état d’urgence permanent. Les contrôles au faciès, les arrestations de militants, les humiliations et violences policières s’immiscent dangereusement dans notre vie de tous les jours. La justice sociale, les valeurs fondamentales de la démocratie, telles les principes de liberté et d’égalité des citoyens et citoyennes devant la loi sont plus que jamais à défendre, pied à pied. Nous devons, comme toi, dire non à l’arbitraire, non à l’intolérance, non au racisme, non au racisme, non à tous les provocations visant à faire germer la haine.
La situation géographique de notre région nous à amené, depuis 2011, à la rencontre de ceux et celles qui fuient les injustices ou la guerre dans leur propre pays, et pour qui l’accès à notre territoire est abusivement fermé. Eux et elles, comme toi, sont des déraciné+es, dont la situation de détresse nous touche au plus profond.
C’est peut-être aussi pour cela que nous voulons te garder près de nous, à Nice, où tu as ta place, tes amis, et désormais ta vie. Cette ville que tu me dit tant aimer, où tu respires et apprécies chaque moment.
Et, avec toute l’affection et l’amitié que nous ressentons envers toi, la femme que nous connaissons, chaleureuse, optimiste et battante, pour ce faire, nous devons être toujours plus nombreuses et nombreux.
C’est aussi pour cette raison que nous demandons au gouvernement français de contribuer à sécuriser ton avenir dans notre pays. Que l’on te laisse vivre en paix avec nous à Nice.
Pinar, nous t’avons accueillie de tout notre cœur, et te garderons près de nous. Nous avons encore tant à partager, tant d’histoires à raconter, et de projets d’avenir à rêver.
Personne n’a le droit de te confisquer ton sourire, ton énergie !