Après le nouvel assassinat de Kurdes à Paris, les collectifs de solidarité avec Pinar Selek expriment leur solidarité avec le peuple kurde. Ils rappellent les alertes de l’écrivaine et sociologue persécutée par le pouvoir turc et dénoncent « les gouvernements successifs qui ne protègent pas activement la communauté kurde, ni l’ensemble des exilé·es et des réfugié·es de Turquie. »
Il y a tout juste une semaine, notre camarade et amie Pinar Selek écrivait ceci sur son blog Mediapart :
« Bénéficiant du feu vert de la Russie et du silence complice de la communauté européenne qui essaie de sauver ses intérêts économiques et financiers de court terme, le gouvernement turc multiplie les attaques, accompagnées d’assassinats de militant·es et intellectuel·les. […] Les exilé·es ne sont pas à l’abri tant les “services turcs” sont actifs en Europe. L’année 2023 est prévisible : on verra de nouvelles explosions ou des attentats organisés par des « invisibles ». Les enquêtes n’aboutiront jamais… Tant que les pays occidentaux ne prendront pas une position claire, la Turquie ne sortira pas du tunnel d’horreur. »
Aujourd’hui l’horreur est à Paris. Aujourd’hui l’horreur se répète. Trois Kurdes ont été assassiné·es : Emine Kara, une importante responsable du Mouvement des femmes kurdes en France, le chanteur kurde Mîr Perwer, réfugié politique, et un simple militant qui a consacré sa vie à la défense de la cause kurde. Nous voulons tout d’abord dire notre compassion et notre solidarité avec toutes les victimes de cet horrible assassinat, avec leurs proches aussi. Mais nous voulons également exprimer notre crainte et notre colère. Crainte que les autorités françaises ne fassent pas toute la lumière sur cet acte terroriste comme ça a été le cas avec l’assassinat de trois militantes politiques kurdes le 9 janvier 2013 par un agent des services secrets turcs. Colère contre les autorités françaises qui ont refusé l’asile politique à Emine Kara alors que cette militante a combattu Daesh en Syrie. Colère contre les gouvernements successifs qui depuis 15 ans au moins ne protègent pas activement la communauté kurde, ni l’ensemble des exilé·es et des réfugié·es de Turquie.
Aujourd’hui il convient de prendre très au sérieux les propos de Berivan Firat, porte-parole des relations extérieures du Conseil démocratique kurde en France (CDKF), qui estime que la communauté kurde a été directement visée. Pour elle, choisir un centre culturel kurde, puis un restaurant kurde et enfin un salon de coiffure kurde ne relève pas du hasard. Choisir le moment d’une réunion des féministes kurdes de France qui devaient préparer les commémorations du 9 janvier 2013 ne relève pas non plus du hasard. Il s’agit d’un acte politique qui relève du terrorisme et non du seul racisme. Et s’il s’agissait d’un assassinat « seulement » raciste, rien n’interdit de penser que l’homme raciste a pu être orienté par les « Loups gris », qui sont devenus des spécialistes de la manipulation et des attentats politiques en France et en Europe. Dans les faits, ils ciblent en priorité les militantes et militants kurdes qui symbolisent et incarnent les luttes transnationales contre les régimes nationalistes et autoritaires.
Aujourd’hui nous disons qu’il faut relire les analyses de Guillaume Perrier dans un entretien important paru dans Street Press sous le titre suivant : « Comment les services secrets turcs déploient leurs réseaux en France ? ». S’appuyant sur des enquêtes très sérieuses, le journaliste faisait le constat suivant : « Pour ne pas froisser Ankara, la France ne protège pas les militants kurdes sur son territoire… La criminalisation du mouvement kurde en France remonte à 2007, sous le mandat de Nicolas Sarkozy qui avait pour objectif de garder des relations correctes avec la Turquie. » Aujourd’hui rien n’a changé en France, alors que la répression du peuple kurde n’a jamais été aussi forte en Turquie et hors de Turquie.
Aujourd’hui la France se tait pour ne pas déplaire à Erdogan. Comme l’écrivait Pinar Selek dans son dernier billet : « La France et l’Europe doivent briser le silence ».
La coordination nationale des collectifs de solidarité avec Pinar Selek