Des chercheurs et universitaires français et étrangers ont lancé vendredi à Paris l’association Chercheurs sans frontières-Free Science (CSF) pour défendre la liberté de la recherche dans le monde et protéger les chercheurs menacés.
L’idée est de créer un « réseau d’alerte sur les cas, finalement assez nombreux, où la liberté de la recherche est attaquée » et de soutenir « la mobilisation autour de chercheurs menacés, accusés, interdits ou emprisonnés » en raison de leurs travaux, a résumé Georgia Barlovatz-Meimon, professeur de biologie cellulaire et membre de CSF, lors de la première rencontre publique de l’association.
La vocation de CSF est aussi « d’informer sur le contexte dans lequel la liberté de recherche est remise en cause », souvent pour des motifs politiques mais aussi parfois des conflits avec des « intérêts économiques », a-t-elle ajouté.
« En Turquie, le champ des sciences sociales est un champ de mines », a ainsi lancé la sociologue turque Pinar Selek, accusée depuis 1998 dans son pays de complicité dans un attentat à la bombe commis par des rebelles kurdes.
La scientifique reconnaît avoir pu sans encombre publier ses recherches sur des sujets aussi tabous que les homosexuels ou les travestis. Mais quand elle a consacré des travaux aux mouvements indépendantistes kurdes, recueillant les récits de certains militants, elle a été placée en garde à vue et la police a tenté de lui extorquer « sous la torture » les contacts de ses interlocuteurs kurdes, a-t-elle affirmé.
Elle est ensuite « placée en détention préventive » durant deux ans et demi, jusqu’à ce qu’elle soit libérée en 2000 après la publication d’un rapport attribuant l’explosion à une fuite de gaz.
Malgré son troisième acquittement consécutif par la justice, le 9 février dernier, le ministère public turc a une nouvelle fois fait appel et continue à réclamer la prison à vie pour Mme Selek, qui réside à l’étranger.
Le philosophe hongrois György Geréby est lui aussi venu évoquer les pressions qu’il a récemment subies dans son pays avec quatre autres de ses collègues, en raison selon lui de leur appartenance à la gauche libérale.
D’après M. Geréby, des médias proches du pouvoir et du Premier ministre ultra-conservateur Viktor Orban ont mené durant sept semaines une « campagne de diffamation » à l’encontre de ces cinq philosophes, les accusant d’avoir détourné des fonds publics pour leur utilisation personnelle, ce dont ils se défendent.
Au coeur de ces attaques, la philosophe et sociologue hongroise Agnès Heller avait vivement critiquée une dérive autoritaire dans son pays et la loi controversée sur les médias.