Clôture du Forum, 38ème Congrès de la FIDH, Discours de Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH à Istanbul

Mon­sieur le Pré­sident de la Répu­blique,

C’est un grand hon­neur pour nous de vous accueillir aujourd’hui au 38ème congrès mon­dial de la FIDH.

C’est en effet une pra­tique constante de la FIDH, au nom de la socié­té civile qu’elle incarne, d’entretenir un dia­logue en toute fran­chise avec les plus hautes auto­ri­tés de l’Etat, qui ont la res­pon­sa­bi­li­té pre­mière de garan­tir le res­pect des droits humains. Mer­ci Mon­sieur le Pré­sident.

Le monde entier regarde la Tur­quie, y com­pris dans le monde arabe les gou­ver­ne­ments post-révo­lu­tion­naires qui invoquent un « modèle turc ».

Quatre cents défen­seurs des droits humains de cent vingt pays viennent pen­dant deux jours de faire le point sur les expé­riences de tran­si­tion à tra­vers les cinq conti­nents.

Pour nous, la situa­tion aujourd’hui en Tur­quie repré­sente une expé­rience qui a ali­men­té notre réflexion.

Un appel una­nime est sor­ti de nos débats pour que les normes uni­ver­selles et indi­vi­sibles des droits humains demeurent la réfé­rence de tous les aspects d’une tran­si­tion. C’est mon rôle de vous le dire, Mon­sieur le Pré­sident, concer­nant votre grand pays, des pré­oc­cu­pa­tions sur ce point ont été lar­ge­ment expri­mées.

En par­ti­cu­lier en ce qui concerne la liber­té de pen­sée, de conscience et de reli­gion ; les droits des femmes ; les droits des mino­ri­tés ; l’indépendance et l’impartialité de la jus­tice.

Ces prin­cipes et valeurs consti­tuent l’étalon de la mesure du pro­grès d’un Etat en tran­si­tion vers une démo­cra­tie effec­tive. Car l’expérience a encore mon­tré, je suis bien pla­cée pour le savoir en tant que tuni­sienne, que la démo­cra­tie ne se résume pas à l’organisation d’élections trans­pa­rentes. L’Histoire a mal­heu­reu­se­ment confir­mé que des majo­ri­tés libre­ment élues ont mené des peuples à la répres­sion, à l’oppression voire au fas­cisme.

C’est dans ces domaines, la reli­gion, les dif­fé­rences d’origine natio­nale, eth­nique ou d’orientation sexuelle, l’égalité entre les sexes, que l’instrumentalisation poli­tique de la dif­fé­rence se déve­loppe et pros­père, avec son cor­tège de vio­la­tions des droits humains.

Dans ces condi­tions, la liber­té d’expression est le pré­texte à la répres­sion et, Mon­sieur le Pré­sident, vous le savez, la FIDH est très pré­oc­cu­pée par la situa­tion en Tur­quie, en par­ti­cu­lier en ce qui concerne des jour­na­listes, des avo­cats et des défen­seurs des droits humains ; le cas sym­bo­lique de Moha­rem Erbey, vice-pré­sident de l’IHD-Diyarbakir, dont nous avons deman­dé la libé­ra­tion sans délai à votre gou­ver­ne­ment, est repré­sen­ta­tif de tous les défen­seurs des droits humains arbi­trai­re­ment déte­nus aux­quels notre 38ème Congrès est dédié.

Mais la garan­tie de la liber­té d’expression consti­tue aus­si pour nous, plus encore qu’une obli­ga­tion juri­dique inter­na­tio­nale, un outil fon­da­men­tal de conduite de la tran­si­tion dans le res­pect des droits humains. La dif­fa­ma­tion des reli­gions n’est pas recon­nue par le droit inter­na­tio­nal. La liber­té d’expression pro­tège les per­sonnes contre toute pour­suite pour avoir cri­ti­qué la reli­gion.

Mon­sieur le Pré­sident, La FIDH avec toutes ses com­po­santes à tra­vers le monde, se féli­cite de la signa­ture du ces­sez-le-feu entre votre gou­ver­ne­ment et le PKK. Nous espé­rons qu’il ouvre une période de paix durable et de sécu­ri­té dans le res­pect des droits humains. Outre le défi majeur de la liber­té d’expression que j’ai sou­li­gné, le défi de la jus­tice indé­pen­dante et impar­tiale reste à rele­ver pour garan­tir le res­pect des liber­tés fon­da­men­tales et pour assu­rer une lutte contre la vio­lence poli­tique res­pec­tueuse des droits humains – je sou­haite ici faire réfé­rence au cas de Pinar Selek.

Mon­sieur le Pré­sident, Cer­tains s’évertuent à oppo­ser la jus­tice et la paix. Dans les situa­tions de sor­tie de conflit comme celle que tra­verse votre pays, notre expé­rience le confirme : la jus­tice inter­na­tio­nale conso­lide la paix. Nous avons célé­bré hier, ici à Istan­bul, avec le Pré­sident et la Pro­cu­reure de la Cour pénale inter­na­tio­nale, le quin­zième anni­ver­saire du Sta­tut de Rome sur la CPI, rati­fié par cent vingt deux Etats. Nous espé­rons vive­ment que, le plus rapi­de­ment pos­sible, la Tur­quie devien­dra le cent vingt troi­sième.

Mon­sieur le Pré­sident, Votre grand pays aspire au rôle d’acteur régio­nal et mon­dial auquel il est des­ti­né. Natu­rel­le­ment, nous par­ta­geons votre enga­ge­ment pour les droits du peuple pales­ti­nien, et nous com­pre­nons votre mobi­li­sa­tion concer­nant la tra­gé­die cri­mi­nelle que tra­verse le peuple syrien.

Mon­sieur le Pré­sident, nous vous pro­po­sons de res­pec­ter une minute de silence pour les vic­times syriennes.

Mer­ci.

Pour conclure Mon­sieur le Pré­sident, nous espé­rons que le dia­logue inau­gu­ré ici sous les yeux de la socié­té civile mon­diale réunie dans cette salle, se tra­dui­ra en actes concrets. Et que l’expérience turque actuelle puisse acqué­rir le carac­tère d’un exemple. Je vous remer­cie.

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