L’Observatoire rappelle qu’en 1998, Pinar Selek a été tour à tour accusée sans preuves de soutenir le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), puis d’avoir fait exploser une bombe dans le bazar égyptien d’Istanbul, le 9 juillet de la même année. Sur la base de ces accusations, elle a été emprisonnée, torturée et maltraitée pendant deux ans, avant d’être provisoirement libérée en 2000.
Les expertises judiciaires ont largement confirmé l’absence de bombe et attribué l’explosion à une fuite de gaz ; de plus, l’autre prévenu qui l’avait incriminée au cours d’un interrogatoire s’est rétracté pendant le procès. De ce fait, la 12ème chambre de la Haute Cour criminelle d’Istanbul l’a acquittée à trois reprises : en 2006, 2008, et pour la dernière fois le 9 février 2011. Néanmoins, le procureur ayant fait appel à chaque fois, la Cour de Cassation a annulé les deux premières décisions d’acquittement. À ce jour, la dernière décision prise en 2011 par la 12ème chambre de la Haute Cour criminelle d’Istanbul n’a pas encore été examinée par la Cour de Cassation, et bénéficie donc de l’autorité de la chose jugée. Ainsi, en modifiant l’un de ces propres arrêts, la 12e chambre de la Haute Cour criminelle d’Istanbul a commis un abus de pouvoir, en violation des articles 223, 287 et 307/3 du Code de procédure pénale.
En conséquence, ce harcèlement judiciaire pourrait se poursuivre pendant plusieurs années, et ce malgré l’absence de preuves incriminant Pinar Selek. L’Observatoire rappelle que, du fait de ce harcèlement judiciaire et sous la menace d’une nouvelle arrestation arbitraire, sa vie et son travail en Turquie ont été gravement bouleversés.
« Non seulement la décision de la cour viole la loi turque, en ce qu’elle méprise ouvertement l’autorité de ses propres décisions qui ont force de la chose jugée, mais elle viole également le droit à un procès équitable ainsi que le droit à la liberté d’expression, consacrés par la Convention européenne des droits de l’Homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifiés par la Turquie. Les délais interminables pour que justice soit rendue équivalent à un déni de justice ! », a dénoncé Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH.
« Il s’agit d’un harcèlement judiciaire sans précédent. Si la Cour confirme cette décision, nous pourrons en conclure qu’il n’y a plus aucune sécurité juridique en Turquie », a ajouté Gerald Staberock, Secrétaire général de l’OMCT. « Nous condamnons fermement cette décision, et appelons les autorités judiciaires turques à la réexaminer immédiatement », a-t-il conclu.
Plus généralement, l’Observatoire appelle une fois de plus les autorités turques à mettre un terme immédiatement et sans conditions au harcèlement incessant qui vise Pinar Selek depuis plus de 14 ans, en ce que son unique objectif semble être de la sanctionner pour son exercice légitime de la liberté d’opinion et d’expression.
Pour plus d’informations, veuillez contacter :
· FIDH : Arthur Manet, + 33 1 43 55 25 18
· OMCT : Delphine Reculeau, + 41 22 809 49 39