Communiqué de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme

TURQUIE : Pour­suite du har­cè­le­ment judi­ciaire contre Pinar Selek, après que la Haute Cour cri­mi­nelle d’Istanbul ait infir­mé sa déci­sion d’acquittement et ait deman­dé sa condam­na­tion
Paris-Genève, le 27 novembre 2012. L’Observatoire pour la pro­tec­tion des défen­seurs des droits de l’homme, un pro­gramme conjoint de la Fédé­ra­tion inter­na­tio­nale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et de l’Organisation mon­diale contre la tor­ture (OMCT), est conster­né par la déci­sion prise par la 12ème chambre de la Haute cour cri­mi­nelle d’Istanbul de reve­nir sur l’acquittement de Pinar Selek. Le cal­vaire judi­ciaire auquel cette mili­tante est confron­tée depuis 14 ans pour­rait ain­si se pour­suivre encore pen­dant plu­sieurs années.
Le 22 novembre 2012, la 12ème chambre de la Haute Cour cri­mi­nelle d’Istanbul a déci­dé de modi­fier sa der­nière déci­sion d’acquitter Mme Pinar Selek, écri­vaine et socio­logue qui défend acti­ve­ment les droits des com­mu­nau­tés mar­gi­na­li­sées en Tur­quie, prise dans le cadre d’une pro­cé­dure pénale en cours depuis 1998. De plus, le pré­sident du tri­bu­nal, qui sié­geait sur cette affaire pour la pre­mière fois, le pré­sident de la for­ma­tion étant en congé mala­die, a requis la condam­na­tion de Pinar Selek à une peine de pri­son à vie avant de fixer une nou­velle date d’audience au 13 décembre 2012 afin d’entendre les obser­va­tions de l’accusée. Selon les avo­cats de la défense, cette déci­sion est sans pré­cé­dent dans l’histoire judi­ciaire de la Tur­quie.

L’Observatoire rap­pelle qu’en 1998, Pinar Selek a été tour à tour accu­sée sans preuves de sou­te­nir le Par­ti des tra­vailleurs du Kur­dis­tan (PKK), puis d’avoir fait explo­ser une bombe dans le bazar égyp­tien d’Istanbul, le 9 juillet de la même année. Sur la base de ces accu­sa­tions, elle a été empri­son­née, tor­tu­rée et mal­trai­tée pen­dant deux ans, avant d’être pro­vi­soi­re­ment libé­rée en 2000.

Les exper­tises judi­ciaires ont lar­ge­ment confir­mé l’absence de bombe et attri­bué l’explosion à une fuite de gaz ; de plus, l’autre pré­ve­nu qui l’avait incri­mi­née au cours d’un inter­ro­ga­toire s’est rétrac­té pen­dant le pro­cès. De ce fait, la 12ème chambre de la Haute Cour cri­mi­nelle d’Istanbul l’a acquit­tée à trois reprises : en 2006, 2008, et pour la der­nière fois le 9 février 2011. Néan­moins, le pro­cu­reur ayant fait appel à chaque fois, la Cour de Cas­sa­tion a annu­lé les deux pre­mières déci­sions d’acquittement. À ce jour, la der­nière déci­sion prise en 2011 par la 12ème chambre de la Haute Cour cri­mi­nelle d’Istanbul n’a pas encore été exa­mi­née par la Cour de Cas­sa­tion, et béné­fi­cie donc de l’autorité de la chose jugée. Ain­si, en modi­fiant l’un de ces propres arrêts, la 12e chambre de la Haute Cour cri­mi­nelle d’Istanbul a com­mis un abus de pou­voir, en vio­la­tion des articles 223, 287 et 307/3 du Code de pro­cé­dure pénale.

En consé­quence, ce har­cè­le­ment judi­ciaire pour­rait se pour­suivre pen­dant plu­sieurs années, et ce mal­gré l’absence de preuves incri­mi­nant Pinar Selek. L’Observatoire rap­pelle que, du fait de ce har­cè­le­ment judi­ciaire et sous la menace d’une nou­velle arres­ta­tion arbi­traire, sa vie et son tra­vail en Tur­quie ont été gra­ve­ment bou­le­ver­sés.

« Non seule­ment la déci­sion de la cour viole la loi turque, en ce qu’elle méprise ouver­te­ment l’autorité de ses propres déci­sions qui ont force de la chose jugée, mais elle viole éga­le­ment le droit à un pro­cès équi­table ain­si que le droit à la liber­té d’expression, consa­crés par la Conven­tion euro­péenne des droits de l’Homme et le Pacte inter­na­tio­nal rela­tif aux droits civils et poli­tiques (PIDCP), rati­fiés par la Tur­quie. Les délais inter­mi­nables pour que jus­tice soit ren­due équi­valent à un déni de jus­tice ! », a dénon­cé Sou­hayr Bel­has­sen, Pré­si­dente de la FIDH.

« Il s’agit d’un har­cè­le­ment judi­ciaire sans pré­cé­dent. Si la Cour confirme cette déci­sion, nous pour­rons en conclure qu’il n’y a plus aucune sécu­ri­té juri­dique en Tur­quie », a ajou­té Gerald Sta­be­rock, Secré­taire géné­ral de l’OMCT. « Nous condam­nons fer­me­ment cette déci­sion, et appe­lons les auto­ri­tés judi­ciaires turques à la réexa­mi­ner immé­dia­te­ment », a‑t-il conclu.

Plus géné­ra­le­ment, l’Observatoire appelle une fois de plus les auto­ri­tés turques à mettre un terme immé­dia­te­ment et sans condi­tions au har­cè­le­ment inces­sant qui vise Pinar Selek depuis plus de 14 ans, en ce que son unique objec­tif semble être de la sanc­tion­ner pour son exer­cice légi­time de la liber­té d’opinion et d’expression.

Pour plus d’informations, veuillez contac­ter :
· FIDH : Arthur Manet, + 33 1 43 55 25 18
· OMCT : Del­phine Recu­leau, + 41 22 809 49 39





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