La Cour suprême doit mettre fin aux 16 années de harcèlement judiciaire contre Pinar Selek

Publi­ca­tion d’un rap­port de mis­sion d’ob­ser­va­tion judi­ciaire
Paris — Genève, le 25 avril 2014. L’Ob­ser­va­toire pour la pro­tec­tion des défen­seurs des
droits de l’Homme, un pro­gramme conjoint de la Fédé­ra­tion inter­na­tio­nale des ligues des
droits de l’Homme (FIDH) et de l’Or­ga­ni­sa­tion mon­diale contre la tor­ture (OMCT), publie
aujourd’­hui un rap­port qui pré­sente les conclu­sions d’une mis­sion d’ob­ser­va­tion
judi­ciaire, réa­li­sée entre juillet 2011 et jan­vier 2013, du pro­cès de Mme Pınar Selek, une
uni­ver­si­taire har­ce­lée en rai­son de ses tra­vaux sur les mino­ri­tés en Tur­quie. Le rap­port
conclut qu’une série de vio­la­tions du droit à un juge­ment équi­table a enta­ché le pro­ces­sus
judi­ciaire qui dure depuis 16 ans, et que Mme Pınar Selek est vic­time de har­cè­le­ment
judi­ciaire en rai­son de son enga­ge­ment en faveur des droits de l’Homme.

Le 30 avril 2014, la 9ème chambre pénale de la Cour suprême doit exa­mi­ner en appel la déci­sion
d’un tri­bu­nal infé­rieur de condam­ner à une peine de pri­son à per­pé­tui­té Mme Pınar Selek, une
uni­ver­si­taire connue pour son enga­ge­ment en faveur des droits des com­mu­nau­tés vul­né­rables
en Tur­quie. Cette condam­na­tion repose sur l’ac­cu­sa­tion fal­la­cieuse d’être res­pon­sable d’une
explo­sion dans le bazar égyp­tien d’Is­tan­bul le 9 juillet 1998, et d’être membre d’une orga­ni­sa­tion
ter­ro­riste.

En 1998, Mme Pınar Selek a été accu­sée suc­ces­si­ve­ment et sans preuve de sou­te­nir le Par­ti des
tra­vailleurs du Kur­dis­tan (PKK) et d’a­voir fait explo­ser une bombe dans le bazar égyp­tien
d’Is­tan­bul le 9 juillet. Sur la base de ces accu­sa­tions, elle a été main­te­nue en déten­tion pen­dant
deux ans, sou­mise à des actes de tor­ture et à des mau­vais trai­te­ments, jus­qu’à sa libé­ra­tion
pro­vi­soire en 2000. La 12ème chambre de la Haute cour pénale d’Is­tan­bul l’a acquit­tée à trois
reprises, en 2006, 2008 et 2011. Néan­moins, le pro­cu­reur a à chaque fois fait appel de cet
acquit­te­ment devant la Cour suprême, qui a cas­sé la déci­sion d’ac­quit­te­ment. Le 24 jan­vier 2013,
la 12ème chambre de la Haute cour pénale d’Is­tan­bul a déci­dé de s’en remettre à la demande de
la Cour suprême de recon­naître Mme Pınar Selek cou­pable et de la condam­ner à une peine de
pri­son à per­pé­tui­té.

D’in­nom­brables irré­gu­la­ri­tés de pro­cé­dure ont été consta­tées pen­dant le pro­cès : vio­la­tion du
droit à être infor­mé des rai­sons de l’ar­res­ta­tion et de la déten­tion, vio­la­tion de l’in­ter­dic­tion de
coer­ci­tion pen­dant les inter­ro­ga­toires, droit à une audience publique, droit à l’é­ga­li­té devant la loi
et les tri­bu­naux, mani­pu­la­tion des juges, recon­nais­sance de la culpa­bi­li­té fon­dée sur des
élé­ments de preuves non rece­vables, notam­ment des décla­ra­tions obte­nues par coer­ci­tion,
vio­la­tion du prin­cipe de res judi­ca­ta, vio­la­tion du droit à être jugé dans des délais rai­son­nables, etc.

L’Ob­ser­va­toire rap­pelle que le pro­cès pénal n’a pas réus­si à démon­trer que Mme Pınar Selek a
par­ti­ci­pé à des acti­vi­tés liées au ter­ro­risme. En effet, l’en­quête judi­ciaire a lar­ge­ment confir­mé
qu’il n’y avait pas eu de bombe et que l’ex­plo­sion était due à une fuite de gaz. De plus, l’autre
incul­pé dans cette affaire, qui avait incri­mi­né Mme Selek durant son inter­ro­ga­toire, est reve­nu sur
sa dépo­si­tion pen­dant le pro­cès. Enfin, il convient de signa­ler que le tri­bu­nal qui a condam­né
Mme Selek, une juri­dic­tion d’ex­cep­tion dotée de pou­voirs élar­gis qui avait rem­pla­cée en 2004 les
tri­bu­naux de sûre­té de l’E­tat, a récem­ment été fer­mé dans le cadre d’une réforme du Code de
pro­cé­dure pénale.

L’Ob­ser­va­toire réitère son appel lan­cé aux auto­ri­tés judi­ciaires turques pour qu’elles révisent
cette der­nière déci­sion et qu’elles fassent ces­ser le har­cè­le­ment inin­ter­rom­pu visant Mme Pınar
Selek, qui semble vou­loir la punir sim­ple­ment pour avoir exer­cé son droit légi­time à la liber­té
d’o­pi­nion et d’ex­pres­sion.

On trou­ve­ra dans le rap­port de mis­sion de l’Observatoire une chro­no­lo­gie com­plète des
faits et une liste de recom­man­da­tions adres­sées aux auto­ri­tés turques, aux Nations unies,
à l’Union euro­péenne et à d’autres diplo­ma­ties étran­gères.

Le rap­port est dis­po­nible en anglais aux liens sui­vants :
http://www.fidh.org/IMG/pdf/obsreporttur2014eng.pdf
http://www.omct.org/files/2014/04/22642/turkey_mission_report_pinar_selek_2014.pdf
Pour plus d’informations, veuillez contac­ter :
• FIDH : Arthur Manet/Audrey Cou­prie, + 33 1 43 55 25 18
• OMCT : Del­phine Recu­leau, + 41 22 809 49 39





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