Motion de l’assemblée générale de l’Association française de sociologie : soutien à Pinar Selek

Sou­tien à Pinar Selek : Motion adop­tée par l’assemblée géné­rale de l’Asso­cia­tion fran­çaise de socio­lo­gie réunie en congrès à Lyon le 6 juillet 2023

Les membres de l’Association Fran­çaise de Socio­lo­gie réuni·es en Assem­blée géné­rale affirment leur sou­tien à leur col­lègue Pinar Selek, maî­tresse de confé­rences de l’Université de Nice. Pinar Selek est per­sé­cu­tée avec achar­ne­ment depuis vingt-cinq ans en Tur­quie en rai­son de ses recherches. En juillet 1998, elle fut accu­sée d’une explo­sion mor­telle au gaz sur le mar­ché aux épices d’Istanbul, qua­li­fiée d’attentat. Elle fut alors empri­son­née et tor­tu­rée pen­dant deux ans. Selon les exper­tises judi­ciaires, l’explosion était acci­den­telle, impu­table à une fuite de gaz : Pinar Selek a été acquit­tée à quatre reprises. Mais ce sont ses recherches sur les Kurdes et son refus de livrer les don­nées recueillies durant ses enquêtes qui sont plus vrai­sem­bla­ble­ment à l’origine de l’acharnement judi­ciaire qu’elle subit, et qui l’obligea à quit­ter la Tur­quie pour la France en 2009.

Acquit­tée une qua­trième fois en 2014, Pinar Selek s’est à nou­veau vue som­mée de com­pa­raître devant les juri­dic­tions turques car, le 21 juin 2022, la Cour Suprême de Tur­quie annu­lait cet acquit­te­ment. La 15ème chambre de la Cour d’assises d’Istanbul, qui a réou­vert son pro­cès le 30 mars der­nier, a déci­dé de repor­ter l’audience au 29 sep­tembre pro­chain et a confir­mé le man­dat d’arrêt émis contre cette citoyenne fran­çaise. La Cour refuse éga­le­ment la tenue d’une audi­tion à dis­tance, via la jus­tice fran­çaise, de notre col­lègue et réitère la demande d’extradition à son endroit, assor­tie d’une notice rouge Inter­pol, entra­vant Pinar Selek dans sa liber­té de cir­cu­ler et, de fait, dans sa liber­té de recherche et d’enseignement.

Nous sommes for­te­ment préoccupé·es à l’égard du sort de notre col­lègue. Des délégué·es de notre asso­cia­tion pro­fes­sion­nelle ont été témoins, à Istan­bul le 30 mars der­nier, d’intimidations poli­cières à l’égard de la délé­ga­tion inter­na­tio­nale de sou­tien à Pinar Selek, consti­tuée notam­ment de par­le­men­taires, avocat·es et uni­ver­si­taires. Le résul­tat des élec­tions pré­si­den­tielles en Tur­quie ne laisse guère augu­rer l’abandon de l’acharnement que subit notre col­lègue. Elle a encore fait l’objet récem­ment de menaces de mort, via les réseaux sociaux. Elle a por­té plainte contre leurs auteurs. Mais elle n’a tou­jours pas reçu de pro­tec­tion poli­cière réelle de la part de la France, ni le sou­tien offi­ciel du gou­ver­ne­ment.

Aujourd’hui, nous sou­hai­tons que notre col­lègue béné­fi­cie de la pro­tec­tion poli­cière qui lui est mal­heu­reu­se­ment néces­saire, que le gou­ver­ne­ment oppose une fin de non-rece­voir à toute demande d’extradition la visant et que par la voix de Mme la Ministre de l’Enseignement supé­rieur et de la recherche le gou­ver­ne­ment lui apporte un sou­tien offi­ciel et public, en ver­tu des prin­cipes de pleine indé­pen­dance et liber­té d’expression des ensei­gnants cher­cheurs pré­vues à l’article L952‑2 du code de l’Éducation natio­nale, recon­nues par le Conseil consti­tu­tion­nel en 1984.

Son his­toire est éga­le­ment emblé­ma­tique des risques qui pèsent sur la liber­té aca­dé­mique, qui s’accroissent, y com­pris en France, ces der­nières années. Pour ces rai­sons, nous, membres de l’Association fran­çaise de socio­lo­gie, sommes soli­daires des délé­ga­tions de per­son­na­li­tés qui se ren­dront en Tur­quie le 29 sep­tembre pour sou­te­nir Pinar Selek et se joignent aux col­lec­tifs de mobi­li­sa­tion autour de Pinar Selek pour que cessent les per­sé­cu­tions juri­diques et poli­tiques qu’elle subit depuis 25 ans.

https://www.urmis.fr/motion-de-lassemblee-generale-de-lassociation-francaise-de-sociologie-soutien-a-pinar-selek/





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