Portrait de Pinar Selek

Qui êtes-vous ?

Comme tout le monde, je suis plein de choses : une scien­ti­fique qui veut com­prendre les méca­nismes invi­sibles qui façonnent notre monde, une artiste qui veut créer l’impossible, une sor­cière qui défend la magie de la vie et oui, une mili­tante de poé­sie.

Qu’est-ce que signi­fie pour vous « faire bou­ger les lignes » ?   

Quand j’étais en Tur­quie, tra­vailler sur les ques­tions kurde et armé­nienne, par exemple, m’a fait com­prendre que je fran­chis­sais une ligne rouge. Mais j’aime les lignes rouges. Elles te montrent que tu es sur le bon che­min. Et quand tu conti­nues, la vie change, les liens se tissent, les inter­ac­tions com­plexes modi­fient l’ordre du pouvoir…il faut conti­nuer, conti­nuer…

Quelles sont vos forces ?

Ma force vient de l’amour, de la soli­da­ri­té et des expé­riences des autres ain­si que les ana­lyses phi­lo­so­phiques qui m’entourent à l’instar des lucioles. Par exemple celui de Gram­sci qui disait : « Il faut allier le pes­si­misme de l’intelligence à l’optimisme de la volon­té. » Ma volon­té a besoin d’être entre­te­nue, nour­rie, prise à bras-le-corps. C’est pour­quoi, dans les moments où la tris­tesse me sub­merge et où je déses­père du genre humain, les paroles de Gram­sci me viennent aux lèvres comme des chu­cho­te­ments enchan­teurs. Je vois la joie de la lutte contre la sau­va­ge­rie.

Quel fait mar­quant a fait évo­luer votre car­rière ?

Je me for­ti­fie en côtoyant le pes­si­misme. Je suis désor­mais plus forte qu’à l’adolescence. J’ai appris que le monde ne peut chan­ger en deux jours. Les échecs, les erre­ments, les recom­men­ce­ments ne m’accablent plus. Je ne me croise pas les bras en me deman­dant pour­quoi cer­taines choses ne changent pas. Je prends ma part d’amour et d’étreintes.

Racon­tez un obs­tacle et com­ment vous l’avez sur­mon­té ?

Quand on m’a for­cée par la tor­ture de révé­ler les noms de mes enquèté.es, je n’étais pas sûre si je pou­vais résis­ter. Chaque seconde je me suis dit : « encore un peu… attend encore, encore une seconde, trois seconde, cinq seconde…» enfin j’ai réus­si à défendre jusqu’au bout la liber­té de la recherche et l’autonomie de la science…

Quels sont vos pro­jets ?

Appro­fon­dir mes ana­lyses et mes expres­sions artis­tiques qui pour­raient me gui­der dans la créa­tion d’un monde dans lequel nous serions fières et fiers d’habiter. Et pou­voir réus­sir à réflé­chir et à créer mal­gré la vio­lence extrême. C’est pos­sible, si on par­vient à conser­ver sa facul­té de juger et de prendre l’initiative. Il faut essayer, essayer encore.

Quelles sont vos valeurs en dehors de votre vie pro­fes­sion­nelle ?

Mes valeurs sont pareilles dans toute ma vie : jus­tice, liber­té, soin…

Une per­sonne ins­pi­rante pour vous ? 

J’ai plus que mille per­sonnes qui m’inspirent dont Vol­tai­rine de Cleyre.

https://univ-cotedazur.shorthandstories.com/ces-femmes-qui-font-bouger-les-lignes-2024/index.html#group-section-Pinar-S-tCLdVPlaNE





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