Un appel de personnalités et d’universitaires en faveur de Pinar Selek

Pinar Selek, sym­bole de la résis­tance démo­cra­tique en Tur­quie

« Nous deman­dons au gou­ver­ne­ment fran­çais de contri­buer à sécu­ri­ser l’avenir de Pinar Selek en France ». Ce texte a été rédi­gé par un col­lec­tif de 14 uni­ver­si­taires et signé par de nom­breuses per­son­na­li­tés issues des milieux aca­dé­miques, intel­lec­tuels et média­tiques qui appellent d’urgence à des actions en faveur de son acquit­te­ment défi­ni­tif.

Le 16 avril pro­chain, aura lieu en Tur­quie un refe­ren­dum qui pour­rait étendre consi­dé­ra­ble­ment les pou­voirs du pré­sident Erdo­gan. Le coup d’Etat avor­té de juillet 2016 a été pour lui et son gou­ver­ne­ment le pré­texte à une véri­table purge par­mi les fonc­tion­naires : plus de 100 000 ont été radiés. Près de 8000 uni­ver­si­taires se retrouvent sans emploi et sont, de fait, inter­dits d’enseignement, de recherche, voire de tra­vail dans leur pays, alors même que beau­coup se voient reti­rer le droit même de le quit­ter. Ce chiffre inclut 400 des 1128 « uni­ver­si­taires pour la paix » signa­taires de l’appel « Nous ne serons pas com­plices de ce crime » : ce texte de jan­vier 2016 récla­mait la fin de la guerre menée par l’armée turque dans les pro­vinces kurdes. En s’en pre­nan­taux ensei­gnants, aux uni­ver­si­taires et aux cher­cheurs, mais aus­si aux artistes et aux jour­na­listes, le gou­ver­ne­ment turc est en train de déca­pi­ter sous nos yeux l’intelligentsia de son pays.

Dans ce contexte de péril démo­cra­tique majeur et de répres­sion sans pré­cé­dent, qui cible en prio­ri­té celles et ceux qui incarnent et défendent la liber­té d’expression et la résis­tance démo­cra­tique, le cas de Pinar Selek est à la fois sym­bo­lique et exem­plaire. En rai­son de ses recherches enga­gées sur le pro­blème kurde et parce qu’elle a refu­sé de don­ner ses sources, Pinar Selek a été arrê­tée le 11 juillet 1998, tor­tu­rée, faus­se­ment accu­sée de ter­ro­risme, puis empri­son­née, jugée et acquit­tée. Depuis, un même scé­na­rio se repro­duit inlas­sa­ble­ment : en toute irré­gu­la­ri­té, chaque acquit­te­ment est cas­sé après ren­voi du juge­ment en appel. Subis­sant une per­sé­cu­tion poli­ti­co-judi­ciaire depuis bien­tôt 20 ans, cette socio­logue, qui est aus­si écri­vaine, fémi­niste et anti­mi­li­ta­riste, a vu sa situa­tion s’aggraver le 25 jan­vier der­nier : le pro­cu­reur de la Cour de cas­sa­tion de Tur­quie a requis l’annulation de son acquit­te­ment de 2014 ain­si que la pri­son à per­pé­tui­té.

Réfu­giée en France depuis 2011, Pinar Selek est le sym­bole de cette Tur­quie qui résiste à l’autoritarisme natio­na­liste dont le pré­sident Erdo­gan est le der­nier ava­tar et peut-être le plus dan­ge­reux pour la démo­cra­tie. Le com­bat qu’elle n’a jamais renon­cé à mener est la cible d’une répres­sion qui est emblé­ma­tique de l’acharnement du pou­voir turc à muse­ler toute liber­té d’expression et de pen­sée, toute ten­ta­tive d’émancipation et de résis­tance.

C’est pour­quoi nous appe­lons, d’urgence, à des actions en faveur de l’acquittement défi­ni­tif de Pinar Selek. Nous appe­lons les milieux aca­dé­miques, intel­lec­tuels et média­tiques à aler­ter les opi­nions publiques natio­nales et inter­na­tio­nales de l’injustice subie par Pinar, et à relayer mas­si­ve­ment la péti­tion mise en ligne par son édi­trice : https://www.change.org/p/soutien-%C3%A0-pinar-selek-pour-un-acquittement‑d%C3%A9finitif.

Nous en appe­lons éga­le­ment au gou­ver­ne­ment fran­çais dont la diplo­ma­tie doit agir fer­me­ment et de façon cré­dible en direc­tion des auto­ri­tés turques, en exi­geant le res­pect du droit et des liber­tés fon­da­men­tales et la fin de cette per­sé­cu­tion kaf­kaïenne. Nous deman­dons au gou­ver­ne­ment fran­çais de contri­buer à sécu­ri­ser l’avenir de Pinar Selek en France. Et parce que le cas de Pinar Selek est le révé­la­teur d’une menace géné­ra­li­sée, nous deman­dons à l’Etat de pour­suivre et ren­for­cer son enga­ge­ment finan­cier pour accueillir, dans nos éta­blis­se­ments et orga­nismes de recherche, les nom­breux uni­ver­si­taires turcs, sans emploi et désor­mais sans reve­nu, per­sé­cu­tés dans leur pays et condam­nés à l’exil, tout en étant inter­dits de visa. Notre soli­da­ri­té avec les forces démo­cra­tiques de Tur­quie passe par un sou­tien fort à tous les uni­ver­si­taires per­sé­cu­tés.

 

Signa­taires :

Ariane Asca­ride, comé­dienne

Etienne Bali­bar, Pro­fes­seur émé­rite (phi­lo­so­phie), Uni­ver­si­té de Paris-Ouest, Anni­ver­sa­ry Chair in Modern Euro­pean Phi­lo­so­phy, King­ston Uni­ver­si­ty Lon­don

Ludi­vine Ban­ti­gny, uni­ver­si­taire, his­to­rienne

Howard S. Becker, socio­logue

Michael Bura­woy, Pro­fes­sor of Socio­lo­gy, Uni­ver­si­ty of Cali­for­nia, Ber­ke­ley, USA

Judith But­ler, Maxine Eliot Pro­fes­sor of Com­pa­ra­tive Lite­ra­ture and Cri­ti­cal Theo­ry, Uni­ver­si­ty of Cali­for­nia, Ber­ke­ley

Claude Calame, his­to­rien et anthro­po­logue, direc­teur d’études à l’EHESS

Marie-Claire Caloz-Tschopp, direc­trice de pro­gramme et ancienne vice-pré­si­dente du Col­lège Inter­na­tio­nal de Phi­lo­so­phie (CIPh)

Lau­rence De Cock, his­to­rienne

Chris­tine Del­phy, socio­logue

Annie Ernaux, écri­vaine

Eric Fas­sin, socio­logue, Paris‑8

Safaa Fathy, poète et cinéaste France

Robert Gué­di­guian, cinéaste

Ahmet Insel, pro­fes­seur, Uni­ver­si­té Gala­ta­sa­ray (en retraite)

Franck Jedr­ze­jews­ki, ancien vice-pré­sident du Col­lège Inter­na­tio­nal de Phi­lo­so­phie (CIPh)

Mar­ga­ret Marua­ni, socio­logue, direc­trice de recherche au CNRS

Ber­nard Mez­za­dri, anthro­po­logue

Edwy Ple­nel, jour­na­liste

Dio­go Sard­hi­na, Ancien pré­sident du Col­lège Inter­na­tio­nal de Phi­lo­so­phie (CIPh)

Habib Ten­gour, poète et anthro­po­logue

Gün­ter Wall­raff, jour­na­liste et écri­vain

 

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