
Par Pinar Selek.
Il faut agir de toute urgence pour empêcher l’assassinat de prisonnières et de prisonniers politiques en Iran. Récemment, les recours contre les condamnations à mort de trois féministes – Pakhshan Azizi, Sharifeh Mohammadi et Varishe Moradi – ont été rejetés. Leur exécution est imminente. Les bourreaux se tiennent prêts. Cela peut survenir à tout moment.
Parmi elles, Varishe Moradi, féministe kurde incarcérée à la prison d’Evin, est dans un état de santé alarmant. Blessée au combat contre Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique], elle porte encore dans son corps des éclats d’obus qui lui causent d’atroces souffrances. Jamais soignée, elle est abandonnée à la douleur par un régime qui la punit pour avoir résisté à la barbarie islamiste. Son état s’est récemment aggravé, au point que les autorités ont dû la transférer à l’hôpital. Les médecins de l’hôpital, comme ceux du dispensaire de la prison, ont confirmé qu’elle avait un besoin urgent d’examens, de soins et d’opérations.
Pourtant, tout traitement lui est refusé. Elle reste privée de soins médicaux et de médicaments.
A travers le corps des femmes, le régime répressif vise le mouvement Jin, jiyan, azadî (« femme, vie, liberté » en kurde), déclenché en 2022 par la résistance et l’assassinat de Jina Mahsa Amini et porté par les sorcières contemporaines : celles qui dansent sous les balles en proclamant l’urgence de la liberté, de la laïcité, de la démocratie et de la justice sociale.
Le miracle de la solidarité
Pour étouffer ce soulèvement, le régime iranien déchaîne une violence arbitraire contre toute la population, visant en premier lieu les femmes. Celles qui veulent la liberté. Celles qui osent. Et il s’alimente des ombres de tous les fascismes – de Kaboul à Washington, de Budapest aux murs qui se dressent contre les exilées et les exilés. Ces régimes, qu’ils brandissent religion, tradition ou nationalisme, savent que le privé est politique. Et que sans féminisme, il n’y a pas de lutte efficace contre les fascismes.
Il nous faut faire preuve d’une audace collective. Pakhshan, Sharifeh et Varisheh n’attendent pas seulement la mort. Elles attendent aussi, avec un demi-espoir, le miracle de la solidarité.
Comme le disait Hannah Arendt (1906 – 1975) : « L’être humain possède manifestement le don de faire des miracles. Ce don, nous l’appelons dans le langage courant agir, qui signifie la capacité de déclencher de nouveaux processus. » Elles attendent de nous tous que nous réunissions nos forces. Applaudir ne suffit pas. Evoquer leurs souffrances ne suffit pas. Ne restons pas de simples témoins d’un crime annoncé, soyons les artisans d’un miracle. Nous avons la responsabilité d’intervenir pour empêcher ce crime.
Si, aujourd’hui, la communauté internationale, les organisations de défense des droits humains et toutes les personnes éprises de justice élèvent leur voix et agissent sans délai, ces assassinats peuvent être empêchés. Demain sera trop tard. Il faut agir pour la vie. Jin. Jiyan. Azadî.
Pinar Selek est une sociologue, écrivaine et militante féministe turque, maîtresse de conférences à l’université de Nice Côte d’Azur. Elle a dernièrement publié Le Chaudron militaire turc (Editions des femmes, 2023).
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