Bastacusi

Je rentre de Corse. Très émue d’avoir par­ti­ci­pé à une action col­lec­tive fémi­niste mise en œuvre avec une forte intel­li­gence et créa­ti­vi­té et avec une belle capa­ci­té d’agir de dif­fé­rents acteurs et actrices. Je parle d’un grand week-end de sen­si­bi­li­sa­tion, de mobi­li­sa­tion, d’actions, orga­ni­sé par Femmes Soli­daires de Corse.

Je rentre de Corse. Très émue d’avoir par­ti­ci­pé à une action col­lec­tive fémi­niste mise en œuvre avec une forte intel­li­gence et créa­ti­vi­té et avec une belle capa­ci­té d’agir de dif­fé­rents acteurs et actrices. Je parle d’un grand week-end de sen­si­bi­li­sa­tion, de mobi­li­sa­tion, d’actions, orga­ni­sé par Femmes Soli­daires de Corse, les 21 et 22 sep­tembre 2019, à Bran­do en Corse.

Vous connais­sez les chiffres et vous savez que les chiffres offi­ciels consti­tuent la par­tie visible de l’iceberg. Vous savez donc qu’en France, dans la par­tie visible de l’iceberg, durant l’année 2018, 121 femmes sont tuées par leur ex ou actuels com­pa­gnons. Le mer­cre­di 4 sep­tembre, en moins de 8 mois, 101 femmes sont avaient été tuées par leur ex ou actuel com­pa­gnon. Et tou­jours en France, 223 000 femmes ont décla­ré avoir subi des vio­lences phy­siques et/ou sexuelles, tou­jours au sein du couple. Vous ima­gi­nez la par­tie invi­sible ?

« C’est pour­quoi nous, Femmes Soli­daires de Corse, avons déci­dé d’agir et d’agir vite et fort ». Elles ont agi avec force.

En écou­tant la pré­si­dente en Corse de l’association Rosy Sar­ro­la, j’ai com­pris que cette action se vou­lait un dia­logue avec le Gre­nelle des vio­lences conju­gales qui pré­tend construire une réflexion natio­nale sur ce pro­blème.

Quelques fémi­nistes du conti­nent étaient pré­sentes comme Sabine Sala­mon, pré­si­dente natio­nale des Femmes Soli­daires et Ernes­tine Ronai, membre du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et hommes ain­si que créa­trice du pre­mier obser­va­toire des vio­lences faites aux femmes en France. Je ne sais pas s’il y a d’autres liens, mais nous n’entendons pas beau­coup la voix ins­pi­rante du mou­ve­ment fémi­niste en Corse. Parce que les oreilles des « conti­nen­taux » ne sont pas assez ouvertes ? Ou bien, y a‑t-il une toute nou­velle dyna­mique en Corse qui fait par­tie de ce nou­vel élan fémi­niste ? Je ne sais pas. C’est la pre­mière fois que je par­ti­cipe à une action col­lec­tive fémi­niste en Corse, et j’ai appris que, depuis plus de 40 ans, Femmes Soli­daires de Corse lutte pour la libé­ra­tion des femmes, donc contre les sys­tèmes de domi­na­tions arti­cu­lés.

Cette fois-ci, au lieu de faire une mani­fes­ta­tion clas­sique, une marche rou­ti­nière, avec des reven­di­ca­tions sur les ban­de­roles, elles mettent en oeuvre leurs actions comme font les artistes. Elles ont déjà com­men­cé par un tra­vail de ter­rain. En mobi­li­sant la popu­la­tion de l’Ile de mul­tiples manières. Des bou­lan­gères, des voi­sines, des musicien.nes, des comé­diennes, des libraires, des élues, de la Mai­rie de Bran­do, de la région…. C’est la par­tie la plus impor­tante de l’action, et le reste a cou­lé comme l’eau….

Same­di, on a com­men­cé avec la musique. Une ving­taine de musicien.nes très connus en Corse se sont réunis pour faire com­men­cer l’action une joie et une force magique. Le len­de­main j’ai vu se maté­ria­li­ser un vrai espace public, fidèle à la défi­ni­tion d’Habermas, dans lequel les citoyen.es inter­viennent dans le pro­ces­sus de la défi­ni­tion du pro­blème public, dans la construc­tion des poli­tiques publiques et à leur éva­lua­tion. Dans cet espace, de mul­tiples acteurs et actrices poli­tiques, juri­diques, sociales et média­tiques se sont réunis avec les citoyen.nes concer­nés par le pro­blème. On a expo­sé les pra­tiques, inter­ro­gé les res­pon­sables, devant de mul­tiples témoins et vic­times. Ain­si, les reven­di­ca­tions se sont mani­fes­tées clai­re­ment et publi­que­ment. J’ai vu com­ment elles sont deve­nues évi­dentes et popu­laires. Cette intel­li­gence m’a don­né un espoir pour le futur.

Mais com­ment peut-on gar­der cette force quand on est impli­qué dans la lutte contre les vio­lences ? C’est dif­fi­cile car dans cette lutte, tu mets de nou­velles lunettes avec les­quelles tu vois plus que jamais des cas les plus insup­por­tables. Les Femmes Soli­daires, sans enle­ver leurs lunettes, réus­sissent à gar­der leur force calme.

Je ne connais­sais pas ces four­mis qui portent de petites graines sur leurs dos, qui construisent, qui créent, qui ouvrent des che­mins.

Ces che­mins tra­versent la mer. Et oui. Vous allez les croi­ser.

Pinar Selek





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