« Je suis face à l’irrationalité », le procès de la sociologue et écrivaine turque, qui vit et enseigne à Nice Pinar Selek prévu ce vendredi

Le pro­cès de Pinar Selek, pour­sui­vie depuis 26 ans en Tur­quie pour « ter­ro­risme » mal­gré quatre acquit­te­ments, doit se tenir ven­dre­di après-midi à Istan­bul, tou­jours en l’ab­sence de la socio­logue et écri­vaine réfu­giée en France qui dénonce un « achar­ne­ment » irra­tion­nel.

Depuis 25 ans, Pinar Selek subit une tor­ture psy­cho­lo­gique. Pour­sui­vie par la jus­tice turque pour un atten­tat qui n’a jamais exis­té, elle a été condam­née à quatre reprises, acquit­tée à chaque fois. Mais ses acquit­te­ments ont été sys­té­ma­ti­que­ment annu­lés. La dis­si­dente devait être jugée par contu­mace en mars 2023, puis en sep­tembre. Elle devrait l’être ce ven­dre­di 28 juin.

Cette nou­velle audience a lieu après la déci­sion de la Cour suprême turque d’an­nu­ler, il y a deux ans, le der­nier acquit­te­ment pro­non­cé en 2014 contre la cher­cheuse qui enseigne désor­mais à l’u­ni­ver­si­té à Nice.

C’est un pro­cès kaf­kaïen. Je suis face à l’ir­ra­tio­na­li­té, et après 26 ans, je refuse de m’y habi­tuer, même si c’est dif­fi­cile d’i­ma­gi­ner ce qui peut se pas­ser ven­dre­di,
La socio­logue fran­co-turque Pinar Selek.
AFP

Une soixan­taine de membres de son comi­té de sou­tien, dont de hauts res­pon­sables d’u­ni­ver­si­tés, seront pré­sents au tri­bu­nal. Pinar Selek sui­vra pour sa part les débats depuis Lyon, dont elle a été récem­ment faite citoyenne d’hon­neur, au cœur d’un ren­dez-vous qui se veut mili­tant et cultu­rel à l’Hô­tel de ville.

« Le mes­sage est clair : la soli­da­ri­té fémi­niste trans­na­tio­nale est l’an­ti­dote le plus effi­cace contre le fas­cisme », insiste-t-elle.
Âgée de 52 ans, Pinar Selek avait été arrê­tée en 1998 pour ses tra­vaux sur la com­mu­nau­té kurde, avant d’être accu­sée d’être liée à une explo­sion qui venait de faire sept morts au bazar aux épices d’Is­tan­bul.

Une exper­tise a mon­tré que le drame était dû à l’ex­plo­sion acci­den­telle d’une bou­teille de gaz mais les pour­suites n’ont pas ces­sé, mal­gré ses quatre acquit­te­ments en 2006, 2008, 2011 et 2014.

Libé­rée en décembre 2000, Mme Selek est un temps res­tée se battre en Tur­quie, avant que les menaces ayant sui­vi la publi­ca­tion et le suc­cès d’é­di­tion de « Deve­nir un homme en ram­pant », un recueil de témoi­gnages sur la construc­tion de la mas­cu­li­ni­té dans le ser­vice mili­taire, ne la poussent à l’exil.

Si je me rends en Tur­quie, je serai empri­son­née immé­dia­te­ment, car le pays a émis un man­dat d’ar­rêt inter­na­tio­nal contre moi.
Pinar Selek
Mars 2023 à France 3.

Par­tie d’a­bord en Alle­magne, elle est ensuite venue en France, pays dont elle a la natio­na­li­té, mais les menaces per­sistent et un man­dat d’ar­rêt inter­na­tio­nal limite ses pos­si­bi­li­tés de dépla­ce­ments.

Infa­ti­gable mili­tante, elle a repris l’an der­nier les entre­tiens de « Deve­nir un homme en ram­pant » pour appro­fon­dir et élar­gir sa réflexion sur les racines de l’hé­gé­mo­nie mas­cu­line en Tur­quie et ses consé­quences sur la vio­lence poli­tique dans « Le chau­dron mili­taire turc », publié en octobre 2023.

« L’a­char­ne­ment contre notre col­lègue est insup­por­table. Il mécon­naît ses droits les plus élé­men­taires. Il méprise aus­si la liber­té aca­dé­mique et en cela concerne toute la com­mu­nau­té scien­ti­fique », ont dénon­cé mi-juin l’U­ni­ver­si­té Côte d’A­zur et l’as­so­cia­tion France Uni­ver­si­tés, qui réunit les diri­geants de 115 éta­blis­se­ments publics d’en­sei­gne­ment supé­rieur et de recherche.

Anne Le Hars et AFP

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