La doctorante en sociologie doit être jugée une nouvelle fois à Istanbul, le 24 janvier
Politiques, militants associatifs et désormais étudiants, enseignants et chercheurs de l’Université de Strasbourg se mobilisent pour défendre la doctorante en sociologie Pinar Selek qui doit être jugée une nouvelle fois le 24 janvier à Istanbul pour des faits pour lesquels elle a été innocentée à trois reprises déjà. Un Comité de soutien a été créé à l’UDS, 30 parlementaires souhaitent que Pinar Selek obtienne le statut de réfugiée politique si elle devait être condamnée.
Pinar Selek a été mise en cause par les autorités judiciaires turques en 1998, dans le cadre d’une enquête sur une explosion survenue le 9 juillet, quelques jours avant son arrestation, sur le marché aux épices d’Istanbul. La jeune femme menait des recherches sur la communauté kurde et était soupçonnée d’être liée à un événement considéré comme un acte terroriste, mais qui devait s’avérer plus tard, selon plusieurs experts, être une explosion accidentelle provoquée par une bouteille de gaz.
Emprisonnée deux ans en Turquie, libérée en 2000, Pinar Selek a été jugée et acquittée à trois reprises, en 2006, 2008 et 2011 ; à chaque fois le procès a été cassé. Le 13 décembre, la cour pénale d’Istanbul saisie une nouvelle fois de cette affaire s’apprêtait à rendre une nouvelle décision, mais le jugement a été renvoyé à ce 24 janvier. Pinar Selek, 41 ans, a quitté son pays en 2009 et est installée à Strasbourg où elle est doctorante en sciences politiques. Jusqu’à ce jour, aucune charge n’a pu tenir contre elle, mais si les juges devaient la condamner jeudi, elle écoperait de la peine de prison à perpétuité dans son pays d’origine. .
L’Université dénonce un « acharnement politico-judiciaire »
L’Université de Strasbourg (UDS), dans un communiqué diffusé aujourd’hui au nom de la « communauté universitaire », stigmatise « un véritable acharnement politico-judiciaire en Turquie, dans un procès dont les irrégularités scandaleuses ont été dénoncées avec force par les experts auprès du Parlement européen ». Le seul tort de Pinar Selek « est le courage qu’elle a manifesté en 1998, lorsqu’elle a refusé de livrer à la police l’identité de militants kurdes sur lesquels elle conduisait ses travaux de sociologue. Ni l’emprisonnement, ni la torture, ni les manipulations judiciaires ou les intimidations n’ont entamé la résolution de la sociologue à poursuivre ses travaux, à défendre des valeurs féministes, les Droits de l’Homme et la cause des minorités. A travers ces injustes poursuites, ce sont aussi les principes fondamentaux de la liberté académique et de l’indépendance de la recherche qui sont bafoués », dit encore le communiqué de l’UDS.
Le communiqué de l’Université de Strasbourg rappelle ces autres éléments : chercheurs et enseignants se mobilisent en faveur de Pinar Selek ; des sociétés savantes, des associations et des organisations syndicales du monde universitaire exigent la fin des persécutions dont elle est l’objet ; le président de l’Université de Strasbourg lui a apporté « le plein soutien de la communauté universitaire ».
Un « Comité de soutien universitaire » formé le 16 janvier
Le 16 janvier des personnels et des étudiants de l’Université de Strasbourg se sont réunis afin de formaliser la constitution d’un « Comité de soutien universitaire » en défense de Pinar Selek. Associations, syndicats, élus dans les conseils, représentants de la présidence de l’université ainsi que de simples membres de la communauté universitaire ont rallié ce mouvement. Ce comité « entend apporter sa contribution à l’ensemble des mobilisations qui se développent en France et à l’étranger pour défendre Pinar Selek et les valeurs d’humanité et de liberté qu’elle fait vivre et qu’elle incarne par son combat », affirme l’UDS.
Ouvert à tous les membres de la communauté universitaire de Strasbourg, ce comité de soutien « a pour vocation d’initier et d’organiser toutes les actions qui permettront de faire connaître l’injustice que subit Pinar Selek, de faire valoir son droit de vivre dans son pays, d’y conduire librement ses recherches et d’obtenir des autorités turques un abandon de toute poursuite judicaire à son encontre ». Il œuvrera « aussi longtemps que Pinar Selek n’aura pas été pleinement réhabilitée par l’État turc, et son innocence publiquement reconnue ».
Pour l’heure, treize associations et organisations syndicales du monde universitaire strasbourgeois ont rejoint ce comité, de même que 78 personnes qui ont adhéré à titre personnel.
Parallèlement, une quarantaine de parlementaires ont signé un appel en soutien à Pinar Selek. Parmi eux, les députés PS strasbourgeois Philippe Bies (initiateur de l’appel) et Armand Jung, le sénateur-maire PS Roland Ries et la députée européenne PS Catherine Trautmann.
Un rassemblement le 24 janvier
Le Comité de soutien universitaire appelle à un rassemblement de solidarité le 24 janvier à 11h, sur le parvis de la Faculté de droit ainsi qu’à une assemblée d’information et de soutien des étudiants et des personnels à 11h30 (Le Patio, Amphi 1), en présence de Pinar Selek. Une délégation de trois membres du Comité de soutien se rendra à Istanbul le 24 janvier, accompagné d’un représentant du président de l’université, indique encore l’UDS.
Une élue, Pernelle Richardot, adjointe au maire de Strasbourg, doit se rendre à Istanbul le 24 janvier. C’est la Ville, sur décision de son maire, qui dépêche une élue en Turquie. Un élu écologiste de Strasbourg, Eric Schultz (EELV), fera partie également d’une délégation qui se rendra à Istanbul en soutien à Pinar Selek.
Ch. B.