Le procureur a fait lundi appel de l’acquittement de la sociologue turque Pinar Selek. En 1998, la police l’avait arrêtée et torturée pour obtenir le nom de ses sources universitaires.
L’acharnement judiciaire encore et encore. La bonne nouvelle était tombée vendredi, la sociologue turque Pinar Selek était acquittée. Pour la quatrième fois consécutive.
Dès lundi, le procureur faisait appel. « C’est maintenant à la Cour suprême de trancher », nous informe ce mardi Pinar Selek, qui espère qu’il s’agit là de la dernière étape de son marathon judiciaire.
Tout a commencé en 1998, le 11 juillet. Elle n’a que vingt-sept ans. La police l’arrête. Les autorités la torturent. Elles souhaitent savoir les noms des personnes qu’elle a eu l’occasion d’interviewer. Pinar Selek venait de rédiger un mémoire de sociologue pour son DEA et menait des recherches sur la question kurde dans plusieurs pays. La jeune femme refuse de répondre. Mal lui en prend, on l’accuse d’avoir commis un attentat. Sept personnes sont mortes dans une explosion au marché aux Épices d’Istanbul deux jours avant son arrestation, le 9 juillet.
L’enquête aura bon montrer qu’il s’agit là d’une explosion accidentelle, rien n’y fait. Les procureurs continuent de faire appel à chaque acquittement. Car, en 2006, 2008 et 2011, Pinar Selek avait déjà remporté ses procès. « Il y a dans l’État une équipe de nationalistes, anti-Kurdes, anti-gauche, anti-Arméniens », nous confie-t-elle. « Depuis deux semaines, dans la presse fasciste, on voyait de longs articles sur mon parcours, sur le fait que mon grand-père était communiste, pour me disqualifier », témoigne-t-elle. En attendant de pouvoir « être dans (son) pays, y lutter, y être avec ceux qu’(elle) aime », celle qui se définit comme « féministe, anticapitaliste, pour l’écologie sociale » entend poursuivre en France ses activités militantes et professionnelles. Elle enseigne à l’École nationale supérieure de Lyon.