Après la décision controversée du tribunal [le 22 novembre 2012], Pinar Selek s’est exprimée pour la première fois sur le programme « Actualités et économie » de skyturk360. Elle a répondu aux questions d’Aram Ekin Duran. « Je suis encore sous le choc, a-t-elle dit, mais dans quelques jours je serai mieux à même de commenter ce qui s’est passé ».
Pinar, la Cour locale a une nouvelle fois cassé la décision d’acquittement en votre faveur. La 9e Cour Criminelle de la Cour de Cassation a demandé que l’opposition qui lui avait été faite [par la cour locale] soit levée, ce qui a été fait. Vous risquez une peine de prison encore aggravée. Qu’en dites-vous ?
Pınar Selek : « Ce n’est pas exactement cela. Pour autant que je sache, pour l’instant c’est simplement la décision antérieure [l’opposition à la Cour de Cassation] qui a été levée. »
Mais est-ce que cela n’implique pas une nouvelle fois que soit requise une peine de prison à vie ?
Pınar Selek : « C’est ce que le procureur a continuellement requis. Mais pour l’instant on ne parle pas du réquisitoire : c’est l’acquittement qui a été cassé ; mais bon ! Casser une décision d’acquittement !… Je suis vraiment perplexe. J’ai beaucoup appris de ce que j’ai vécu. Il y a beaucoup d’éléments dans le droit turc qui ne devraient plus étonner. Mais voilà, l’homme n’est pas une machine, il s’étonne ! Voilà ce que je pourrais dire : je ne les laisserai pas me transformer en une femme désespérée et à bout de forces. Je préserve précieusement ma capacité d’espérer. Il y a un principe qui me plaît beaucoup et que j’essaie d’appliquer : « Ma raison est pessimiste, ma volonté est optimiste ». Je suis encore sous le choc mais dans quelques jours je serai mieux à même de commenter [ce qui s’est passé]. »
Est-il exact que la décision a été prise par des juges suppléants parce que le président titulaire était en congé ?
Pınar Selek : « Oui, c’est exact. J’ai du mal à comprendre. Les idées qui me viennent sont très confuses mais à ce stade, simplement, c’est un scandale de toute façon. Mais j’ai du mal à interpréter. Après les tortures que j’ai subies j’ai reçu un nouveau rapport psychologique. Il évoque également les préjudices psychologiques subis à cause de ce procès [depuis 14 ans], et m’invite à m’intéresser à autre chose. Oui, j’essaie de sortir de ce mauvais film, mais est-ce un film ? Puis-je vraiment en sortir, et comment, je n’en sais rien. C’est difficile de se relever d’une telle chose. D’un côté je me dis : « Il faut que tu sois forte, tu ne dois pas te laisser aller. » Mais je ne suis pas un robot, je suis un être humain, et ce n’est pas facile de faire front. »
Je crois que vous vivez en Allemagne depuis un bon moment ?
Pınar Selek : « Je suis en France depuis un an, plus précisément à Strasbourg, pour faire ma thèse de doctorat. J’y suis entant que chercheuse. En ce moment je suis en Allemagne pour faire des lectures de mon roman qui vient d’être traduit en allemand. Dans un moment, d’ailleurs, je vais devoir sortir de l’état psychologique imposé par le procès pour aller parler de mon roman… »
Allez-vous retourner en Turquie après cette décision du tribunal ?
Pınar Selek : « Cela va faire bientôt quinze que dure cette affaire. Il n’est pas facile de faire face à une chose pareille. Je ne sais pas si je vais retourner en Turquie. Sur le plan psychologique, en vérité, je ne vais pas très bien. Mais je fais face tout de même ! »
Traduit du turc par Etienne Copeaux
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