Nice : « Pour une fois, ce seront des exilées qui parleront au nom des Européens », s’exclame Pinar Selek, avant une mobilisation féministe transnationale

La socio­logue turque, exi­lée sur la Côte d’A­zur, a ima­gi­né l’é­vé­ne­ment Toutes aux fron­tières sou­te­nu par plus de 140 asso­cia­tions inter­na­tio­nales.

  • Pinar Selek socio­logue et maî­tresse de confé­rences à l’Université Nice Sophia Anti­po­lis, est une écri­vaine, mili­tante anti­mi­li­ta­riste et fémi­niste turque qui vit en exil à Nice.
  • Same­di, elle orga­nise avec le col­lec­tif Toutes aux fron­tières, le pre­mier évé­ne­ment trans­na­tio­nal fémi­niste pour dénon­cer les poli­tiques migra­toires euro­péennes.
  • Le ras­sem­ble­ment doit débu­ter à 11 h place Mas­sé­na à Nice. Puis, toute la jour­née, s’enchaîneront chants, prises de paroles en plu­sieurs langues, danses et batu­ca­da. Au niveau de Rabau Capeu, les fémi­nistes déploie­ront des cerfs-volants, sym­bole de la mobi­li­sa­tion.

Pinar Selek, socio­logue et maî­tresse de confé­rences à l’Université Nice Sophia Anti­po­lis, est une écri­vaine, mili­tante anti­mi­li­ta­riste et fémi­niste turque qui vit en exil à Nice. Arrê­tée en 1998 pour une par­ti­ci­pa­tion à un atten­tat à Istan­bul, elle est condam­née puis libé­rée et acquit­tée à quatre reprises. Après s’être réfu­giée en France en 2009, elle obtient l’asile poli­tique en 2013 et la natio­na­li­té en 2017. Cette même année, la Cour de cas­sa­tion en Tur­quie la condamne à per­pé­tui­té. Cette pro­cé­dure judi­ciaire dure depuis 20 ans et fait par­tie des plus longues de l’histoire pénale du pays. Elle attend encore aujourd’hui la déci­sion de la Cour suprême.

Son com­bat est aus­si celui du fémi­nisme. En 2001, elle fonde avec d’autres femmes l’association Amar­gi qui s’engage dans les mobi­li­sa­tions contre les vio­lences faites aux femmes. Ce same­di, avec le col­lec­tif Toutes aux fron­tières, elle a pour ambi­tion de « réunir des mil­liers de per­sonnes en créant le pre­mier évé­ne­ment trans­na­tio­nal fémi­niste qui met en lumière la ques­tion de la migra­tion ».

Com­ment cet évé­ne­ment s’est-il orga­ni­sé ?

Cette idée est venue lors d’une grande réunion des fémi­nistes d’Europe, à Genève (Suisse) en 2019. Nous avons déci­dé, nous qui venions de dif­fé­rentes régions et orga­ni­sa­tions, de faire une action col­lec­tive pour atti­rer l’attention sur les poli­tiques euro­péennes. L’événement a été repor­té en rai­son du Covid-19 mais plu­sieurs comi­tés locaux ont conti­nué à tra­vailler sur le ter­rain. Same­di, des bus entiers de Dijon, Gre­noble, Mar­seille, Tou­louse ou encore Bor­deaux et Lyon viennent pour l’événement. Il devait y avoir aus­si énor­mé­ment de per­sonnes d’Italie ou de Suisse mais à cause des res­tric­tions de chaque pays, nous serons un peu moins. Il y a même des cyclistes qui sont par­tis depuis cinq jours. C’est comme si tout le monde atten­dait ce jour avec impa­tience. Je pense qu’on peut réunir une dizaine de mil­liers de per­sonnes. Mal­gré les contre­vents, nos cerfs-volants seront nom­breux.

Pour­quoi ce sym­bole du cerf-volant ?

Si vous êtes un cerf-volant, vous pou­vez voler mais vous êtes fra­gile et vous avez besoin d’autres mains pour conti­nuer votre che­min. Nous avons besoin de soli­da­ri­té pour avan­cer, c’est le cas des migrantes. En plus de ces objets, nous allons uti­li­ser toutes les formes d’expression pour par­ta­ger la parole fémi­niste qui éclaire les plus vul­né­rables et cri­tique les vio­lences endu­rées. Il y aura des chants, des danses mais aus­si des dis­cours. Pour une fois, ce seront des exi­lées qui par­le­ront au nom des Euro­péens. Kurde, Armé­nienne, trans, femme, nous avons des reven­di­ca­tions col­lec­tives qui cri­tiquent cette poli­tique qui crée un monde de guerre et de vio­lences aux fron­tières.

Pour­quoi, en tant que fémi­niste, est-il impor­tant de se mobi­li­ser autour de la ques­tion migra­toire ?

C’est impor­tant de savoir com­ment le mou­ve­ment fémi­niste se situe sur ce qu’il se passe en termes de poli­tiques migra­toires. C’est impor­tant pour le col­lec­tif. A tra­vers cet évé­ne­ment, nous mon­trons que nous ne nous inté­res­sons pas seule­ment aux droits des femmes mais à toutes les mino­ri­tés. Nous nous bat­tons pour rendre visible les invi­sibles. Et nous affir­mons, nous, habi­tantes de l’Europe, que nous ne sommes pas com­plices des poli­tiques euro­péennes. Nous vou­lons une Europe sans muraille. C’est un mou­ve­ment qui vient du bas mais qui fera bou­ger les choses. A Nice, c’est la pre­mière phase de tout un pro­gramme, ensuite, nous lan­ce­rons une péti­tion à des­ti­na­tion des Nations unies. C’est le début d’un mara­thon.

En quoi le fait que Toutes aux fron­tières fasse sa pre­mière édi­tion à Nice est-il sym­bo­lique ?

Au début, nous vou­lions aller à Men­ton et y res­ter trois jours pour faire cette action paci­fique. En termes d’organisation et avec les contraintes sani­taires, Nice est une plus grande ville, qui peut accueillir des per­sonnes venues de par­tout. En plus, le ter­ri­toire a des enjeux : c’est dans cette ville qu’il y a la pré­fec­ture, la fron­tière ita­lienne est celle où la France refoule le plus de per­sonnes et il y a la Médi­ter­ra­née, deve­nue un cime­tière de migrants. Et c’est tout aus­si sym­bo­lique parce que la ville n’a jamais vécu ce genre d’événement avec toutes ces fémi­nistes d’Europe qui vont se retrou­ver phy­si­que­ment.

Pro­pos recueillis par Elise Mar­tin, Publié le 03/06/21

https://www.20minutes.fr/societe/3053711 – 20210603-nice-fois-exi­lees-par­le­ront-nom-euro­peens-exclame-pinar-selek-avant-mobi­li­sa­tion-femi­niste-trans­na­tio­nale





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