Perpétuité requise contre Pinar Selek après quatre acquittements

Après 19 ans de pro­cé­dure et 4 acquit­te­ments, la plus haute juri­dic­tion turque a requis jeu­di la per­pé­tui­té contre Pinar Selek, socio­logue exi­lée en France, qui a pas­sé quatre ans à Stras­bourg où elle est sou­te­nue par l’université, où elle a ensei­gné, et par la ville.

Pinar Selek, lors d’un rassemblement de solidarité à l’université de Strasbourg en 2013. PHOTO archives DNA - Laurent REA

Pinar Selek, lors d’un ras­sem­ble­ment de soli­da­ri­té à l’université de Stras­bourg en 2013. PHOTO archives DNA — Laurent REA

Deux ans après le qua­trième acquit­te­ment de Pinar Selek, le 19 décembre 2014, le pro­cu­reur de la Cour de cas­sa­tion turque a requis contre elle jeu­di la per­pé­tui­té. C’était la peine deman­dée par le par­quet lors de ce der­nier pro­cès à Istan­bul, rai­son pour laquelle il avait fait appel de l’acquittement.

Pinar Selek est pour­sui­vie depuis juillet 1998, arrê­tée dans le cadre d’une recherche sur des mili­tants kurdes : la socio­logue turque, alors âgée de 27 ans, tra­vaillait alors notam­ment sur la com­mu­nau­té kurde, sur fond de conflit san­glant entre Anka­ra et le PKK. Six semaines après son arres­ta­tions, elle était infor­mée qu’elle était accu­sée d’avoir com­mis un atten­tat : une explo­sion sur le mar­ché aux épices d’Istanbul qui avait fait 7 morts et 121 bles­sés.

Depuis, ses avo­cats (une cen­taine, tous pro-bono, comme c’est sou­vent le cas pour les pro­cès dits « poli­tiques » en Tur­quie) s’attachent à plai­der que le drame était dû à l’explosion de bou­teilles de gaz, et non à un atten­tat, et que des preuves contre Pinar Selek ont été fabri­quées.

La jeune femme avait d’ailleurs été libé­rée faute de preuves suf­fi­santes en décembre 2000, après deux ans et demi de pri­son.

« Je suis épuisée »

Six ans plus tard, en 2006, elle était acquit­tée une pre­mière fois, déci­sion cas­sée un an plus tard après appel. Même scé­na­rio en 2008 – 2009, puis en 2011 – 2012. Après ces trois acquit­te­ments cas­sés, Pinar Selek est condam­née à la per­pé­tui­té en jan­vier 2013, déci­sion annu­lée 18 mois plus tard.

Et le 19 décembre 2014, dans un Palais de jus­tice d’Istanbul entou­ré de mani­fes­tants suite à l’arrestation de jour­na­listes (l’ambiance en Tur­quie com­men­çait déjà à être très élec­trique), le tri­bu­nal a acquit­té Pinar Selek pour la qua­trième fois. Le nou­vel appel du par­quet a envoyé l’affaire devant la plus haute juri­dic­tion du pays. Après les réqu­si­tions du pro­cu­reur jeu­di, celle-ci pour­rait encore mettre plu­sieurs mois pour se pro­non­cer. 19 ans après les pre­mières charges, on n’est plus à ça près…

Mais Pinar Selek, elle, est « épui­sée », nous a‑t-elle dit hier au télé­phone. La socio­logue, qui garde des liens très forts avec Stras­bourg, enseigne à l’Institut d’études poli­tiques de Nice depuis l’an der­nier.

Si la déci­sion de la haute cour lui est défa­vo­rable, son ultime recours sera la Cour euro­péenne des droits de l’homme à Stras­bourg. Elle pour­ra y faire valoir ses argu­ments pour pro­cès inéqui­table, et pour la durée abu­sive de la pro­cé­dure judi­ciaire qui la tient en exil depuis de nom­breuses années.





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