Persécutée depuis près de 30 ans, la sociologue turque Pinar Selek prendra la parole vendredi 10 octobre 2025 à Toulouse

Ima­gi­nez vivre avec une épée de Damo­clès au-des­sus de la tête : la crainte de devoir pas­ser le reste de votre exis­tence en pri­son. Cette angoisse, c’est celle que vit Pinar Selek depuis 27 ans.

Cette uni­ver­si­taire turque de 54 ans, écri­vaine, poète, cher­cheuse et mili­tante fémi­niste, ne peut plus vivre dans son pays d’origine et a dû s’exiler en France.

Déjà acquit­tée à quatre reprises dans une affaire de ter­ro­risme, elle devra de nou­veau com­pa­raître devant la jus­tice turque le 21 octobre. Ce qu’on lui reproche : avoir refu­sé de livrer les noms de ses enquê­tés kurdes, selon Julie Jar­ty, maî­tresse de confé­rences en socio­lo­gie à l’université Tou­louse Jean-Jau­rès et membre d’Arpège, réseau de recherche sur le genre à Tou­louse.

« La Tur­quie est dans une dérive auto­ri­taire »

Mal­gré une légère ouver­ture poli­tique en Tur­quie et la reprise des négo­cia­tions avec le PKK, l’accusation de ter­ro­risme qui pèse sur Pinar pour­rait enfin être levée. « Mais la Tur­quie est dans une dérive auto­ri­taire. Il y a des empri­son­ne­ments mas­sifs. Même le maire d’Istanbul a été incar­cé­ré. Le har­cè­le­ment que subit Pinar depuis 27 ans s’inscrit dans cette logique de répres­sion », dénonce Cathe­rine Barasc, amie de Pinar et membre du comi­té de sou­tien tou­lou­sain.

L’universitaire est aus­si accu­sée d’être liée à une explo­sion qui a fait sept morts au bazar aux épices d’Istanbul en juillet 1998. Des accu­sa­tions graves qui font de la cher­cheuse, désor­mais ins­tal­lée à Nice, un sym­bole de la répres­sion contre les oppo­sants au régime d’Erdogan. Cette affaire sou­lève aus­si la ques­tion des liber­tés aca­dé­miques.

À l’approche de cette nou­velle audience, Pinar Selek sera à Tou­louse ven­dre­di pro­chain à 10 h 30, pour don­ner une confé­rence sur la mas­cu­li­ni­té nor­ma­tive et les vio­lences poli­tiques, dans le cadre des acti­vi­tés du groupe Arpège. « Tous les ans, nous orga­ni­sons des « jour­nées de ren­trée ». Cette année, nous les consa­crons à Pinar Selek, qui fait par­tie du réseau natio­nal et inter­na­tio­nal », com­mente Julie Jar­ty.

« Elle est tou­chée par le sou­tien du monde uni­ver­si­taire »

« Sa venue nous sem­blait tout à fait oppor­tune, d’abord en rai­son de ses tra­vaux sur les mas­cu­li­ni­tés, mais sur­tout compte tenu du contexte poli­tique : son pro­cès, une nou­velle fois repor­té, doit avoir lieu sous peu. »

Plu­sieurs uni­ver­si­taires seront pré­sents afin notam­ment de mani­fes­ter leur sou­tien. « C’est une cher­cheuse iso­lée, bien qu’elle soit sou­te­nue par un col­lec­tif soli­daire. Voi­là près de trente ans qu’elle est pri­vée de la pos­si­bi­li­té de ren­trer chez elle et de revoir sa famille », sou­ligne Julie Jar­ty.

« Ce sou­tien est vital pour elle, ajoute Cathe­rine Barasc. Pour chaque audience, une délé­ga­tion part à Istan­bul. Cette fois-ci encore, ils seront une tren­taine : des poli­tiques, des uni­ver­si­taires, des édi­trices, des socio­logues… »

La confé­rence, acces­sible à tous, se tien­dra ven­dre­di à par­tir de 10 heures.

Pinar Selek a été acquit­tée à quatre reprises (2006, 2008, 2011, 2014), mais la Cour suprême turque a annu­lé cet acquit­te­ment en 2022, la condam­nant à la pri­son à per­pé­tui­té et ordon­nant un nou­veau pro­cès.

https://www.ladepeche.fr/2025/10/08/persecutee-depuis-pres-de-30-ans-la-sociologue-turque-pinar-selek-prendra-la-parole-vendredi-a-toulouse-12974878.php





© copyright 2016  |   Site réalisé par cograph.eu