«Je regrette, mon Dieu (…). Accordez-moi au moins la permission de vivre comme un cafard », écrivait-elle en prison après avoir été affreusement torturée.
En 1998, Pinar Selek, sociologue, militante féministe, avait vingt-sept ans. En ce mois de juillet, sortant de l’atelier artistique qu’elle avait créé pour venir en aide aux enfants des rues, elle ne s’attendait nullement à être victime d’une cabale politico-judiciaire. La police, qui l’avait arrêtée, voulait qu’elle livre les noms des personnes interviewées dans le cadre d’un projet de recherche universitaire sur la question kurde.
Et c’est en prison qu’elle apprendra, en regardant la télévision, qu’elle est accusée d’avoir déposé une bombe ayant provoqué la mort de sept personnes, le 9 juillet 1998, dans le bazar égyptien d’Istanbul. Une accusation portée contre elle par un dénommé Abdülmecit Öztürk, qui s’est d’ailleurs rétracté devant le tribunal en affirmant que cette accusation lui avait été extorquée sous la torture ! Pire, bien que six rapports d’expertise aient conclu que la déflagration n’était pas due à une bombe mais à l’explosion accidentelle d’une bombonne de gaz, la justice ne retient que la thèse policière d’un acte terroriste. Pinar Selek passera deux ans et demi en prison.
Libérée en décembre 2000, puis définitivement acquittée en 2006 à la suite d’un procès qui aura duré plus de cinq ans, la voilà de nouveau sous la menace d’un procès en appel, où elle risque la prison à vie. Vivant en Allemagne, boursière dans le cadre du programme « Écrivains en exil » de PEN-Allemagne, Pinar Selek est convaincue qu’on veut la « punir ».« En Turquie, tout le monde sait que je suis contre la violence, que je milite pour la paix au Kurdistan, pour que l’on ne nie plus les massacres des Arméniens », confie-t-elle à l’Humanité. Orhan Pamuk, Yasar Kemal, de nombreux intellectuels et des organisations féministes turcs soutiennent son combat.
Hassane Zerrouky