Pinar Selek, la sociologue qui « incarne tout ce que hait l’État » turc

Déjà acquit­tée trois fois, la socio­logue turque est reju­gée pour un acte ter­ro­riste qui, d’a­près les experts, n’en est pas un…

Jeu­di 13 décembre, devant la cour pénale n°12 d’Is­tan­bul, s’est ouvert le pro­cès pour ter­ro­risme de Pinar Selek, une socio­logue turque de 41 ans. Déjà acquit­té trois fois, elle risque, en cas de juge­ment défa­vo­rable, jus­qu’à trente-six ans d’emprisonnement. Mais, pour ses sou­tiens comme pour la majo­ri­té de la presse, Pinar Selek fait l’ob­jet d’un har­cè­le­ment judi­ciaire évident. L’af­faire, il est vrai, ubuesque dure depuis près de qua­torze ans.

Le site des Inrocks revient sur les détails de cette his­toire tor­tueuse. En juillet 1998, après une explo­sion au bazar égyp­tien d’Is­tan­bul qui fait sept vic­times, Pinar Selek est arrê­tée par la police, pla­cée en garde à vue et tor­tu­rée. A l’é­poque, le but des fonc­tion­naires est d’ob­te­nir les noms des mili­tants du PKK, l’or­ga­ni­sa­tion sépa­ra­tiste kurde, qu’elle a inter­viewés dans le cadre de ses recherches. Accu­sée par un mili­tant du PKK d’a­voir posé elle-même la bombe, cette der­nière se retrouve, dans la fou­lée, en pri­son. Les accu­sa­tions ne vont tenir long­temps. Et pour cause, son dénon­cia­teur se rétracte affir­mant que la police l’a contraint sous la tor­ture à pro­fé­rer de fausses accu­sa­tions. Et quant aux causes du drame, les rap­ports d’ex­per­tises concluent, en 2000, à une fuite de gaz. La socio­logue est libé­rée.

L’ex­plo­sion étant acci­den­telle, logi­que­ment, l’his­toire aurait dû s’ar­rê­ter ici. Il n’en fut rien. Au lieu d’a­ban­don­ner les charges, la jus­tice s’a­charne inex­pli­ca­ble­ment. Ain­si, son affaire à déjà été exa­mi­née trois fois : en 2006, puis en 2008, puis en 2011. Et, comme le rap­pelle France Info, si « à chaque fois, les juges acquittent la socio­logue », « à chaque fois, la Cour de cas­sa­tion fait appel » et obtient que Pinar Selek soit jugée à nou­veau.

Désor­mais réfu­giée à Stras­bourg, Pinar Selek, qui ne s’est pas ren­du à cet énième pro­cès, s’est confiée récem­ment au Figa­ro. Elle se dit à bout de patience et affirme : « Qua­torze ans et demi à lut­ter, c’est presque une vie. C’est comme un sup­plice chi­nois, tant que le pro­cès n’est pas ter­mi­né, je ne peux pas gué­rir des séquelles lais­sées par la tor­ture, elles sont à chaque fois ravi­vées. » Au quo­ti­dien Libé­ra­tion, l’in­tel­lec­tuelle qui se pré­sente comme « fémi­niste, anti­mi­li­ta­riste et mili­tante » déclare : « J’incarne tout ce que hait l’État et comme, en outre, je suis turque et non pas kurde, je suis vue comme une traî­tresse ».

A Istan­bul, une délé­ga­tion com­po­sée d’avocats, de cher­cheurs, d’écrivains, de mili­tants fran­çais, alle­mands et ita­liens s’est dépla­cée pour sou­te­nir ses avo­cats et pro­tes­ter devant le tri­bu­nal. Pour Libé­ra­tion, cette affaire, « emblé­ma­tique de la régres­sion des liber­tés en Tur­quie », est  « un cas d’école illus­trant jusqu’à la cari­ca­ture les dérives de l’appareil judi­ciaire turc ». La pro­chaine audience est pré­vue au 24 jan­vier.

http://www.newsring.fr/actualite/1001445-pinar-selek-la-sociologue-qui-incarne-tout-ce-que-hait-letat-turc





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