Pinar Selek, le verdict de l’injustice turque

Après l’annulation de trois acquit­te­ments, la socio­logue a été condam­née à la pri­son à vie, jeu­di.

La condam­na­tion à la pri­son à vie de la socio­logue Pinar Selek, 41 ans, pour un sup­po­sé atten­tat com­mis il y a qua­torze ans, illustre les dérives de la jus­tice turque. Après avoir déli­bé­ré pen­dant plus d’une heure, les juges ont ren­du jeu­di leur ver­dict, consi­dé­ré comme d’autant plus scan­da­leux qu’il annule trois acquit­te­ments pour les­mêmes faits, dont les deux der­niers, en 2008 et 2011, ont été pro­non­cés… par cette même 12e cour pénale d’Istanbul. Ces juges avaient pro­fi­té de l’absence pour mala­die du magis­trat char­gé du dos­sier pour juger rece­vable, le 22novembre, l’arrêt ren­duen cas­sa­tio­nin­va­li­dant l’acquittement de l’intellectuelle.

Cal­vaire.
« Nous sommes face à un vrai scan­dale juri­dique ; même en Tur­quie on n’a jamais vu un tel déni de droit », décla­rait à l’issue du pro­cès Alp Selek, le père de l’universitaire qui, elle, réside à Stras­bourg et compte désor­mais deman­der l’asile poli­tique à la France afin d’éviter toute extradition.Décidée«à résis­ter jusqu’au bout », cette fémi­niste connue pour ses recherches sur les­mi­no­ri­tés mar­gi­na­li­sées (trans­sexuels) ou eth­niques, comme les Kurdes, va se pour­voir en cas­sa­tion.

C’est une affaire inter­mi­nable et sym­bo­lique. Le cal­vaire judi­ciaire de Pinar Selek a com­men­cé en juillet 1998, peu après une explo­sion au bazar des épices, haut lieu tou­ris­tique d’Istanbul, qui fait sept morts. Abdul­me­cit Oztürk, un jeu­ne­mi­li­tant du PKK, la gué­rilla indé­pen­dan­tiste kurde, est arrê­té et, sous la tor­ture, affirme avoir pré­pa­ré la bombe avec Pinar Selek.Unnomapparemment souf­flé par ses tor­tion­naires. Fille d’un célèbre avo­cat des droits de l’homme et peti­te­fille d’un des fon­da­teurs du Par­ti com­mu­niste turc, Pinar Selek était dans le col­li­ma­teur des auto­ri­tés pour ses enga­ge­ments et une thèse sur le mili­tan­tisme kurde. Elle est aus­si­tôt arrê­tée, tabas­sée, incul­pée. Le jeu­ne­mi­li­tant kurde revient peu après sur ses aveux. Les exper­tises montrent que l’explosion était due à une fuite de gaz. Il n’y a donc aucune preuve contre elle. D’où ces acquit­te­ments en série. Mais, à chaque fois, les hautes auto­ri­tés judi­ciaires ont fait appel et obte­nu que les ver­dicts d’acquittement soient cas­sés.

« J’incarne tout ce que hait l’Etat et comme, en outre, je suis turque et non pas kurde, je suis vue comme une traî­tresse », explique volon­tiers la socio­logue, dont le cas est emblé­ma­tique de la régres­sion des liber­tés en Tur­quie, plus de sept ans après le début des négo­cia­tions d’adhésion à l’Union euro­péenne.

Liber­ti­cide.
Quelque 80 jour­na­listes sont aujourd’hui der­rière les bar­reaux, sous le coup d’une loi anti­ter­ro­riste jugée liber­ti­cide par les Euro­péens. Au titre de ces mêmes textes, 45 avo­cats sont empri­son­nés, la plu­part appar­te­nant à des cabi­nets défen­dant des­mi­li­tants kurdes ou d’extrême gauche. Neuf de ces der­niers ont été arrê­tés la semaine der­nière et incul­pés « d’appartenance à une orga­ni­sa­tion ter­ro­riste » dans le cadre d’une vaste opé­ra­tion de police.

http://www.liberation.fr/monde/2013/01/25/pinar-selek-le-verdict-de-l-injustice-turque_876878





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