Répression par l’État turc : Le symbole Pinar Selek

Pinar Selek est une socio­logue et mili­tante fémi­niste fran­co-turque. Vic­time de la répres­sion de l’État turc suite à ses enga­ge­ments poli­tiques, cet article revient sur son pro­cès qui a lieu en ce moment ain­si que d’autres affaires illus­trant la poli­tique auto­ri­taire du gou­ver­ne­ment d’Erdogan. Le mois pro­chain, nous publie­rons son inter­view pour Alter­na­tive liber­taire.

27 ans. Cinq pro­cès. Quatre acquit­te­ments, deux condam­na­tions à per­pé­tui­té et un man­dat d’arrêt inter­na­tio­nal. La pro­chaine audience aura lieu le 21 octobre, à Istan­bul. Le pro­cès de Pinar Selek est deve­nu un cas d’école de la répres­sion judi­ciaire de l’État turc. De fait, ce pro­cès est deve­nu indis­so­ciable de la ques­tion kurde.

Parce que Pinar Selek effec­tue, à la fin des années 1990, une enquête orale sur la dia­spo­ra kurde, elle est empri­son­née, tor­tu­rée. Ses maté­riaux de recherche sont confis­qués. En paral­lèle, une fuite de gaz cause une explo­sion sur le mar­ché des épices. Le gou­ver­ne­ment turc qua­li­fie l’accident d’attentat, il est attri­bué au Par­ti des tra­vailleurs kurdes (PKK) et Pinar Selek est accu­sée d’y avoir contri­bué. On attend la pro­chaine déci­sion du tri­bu­nal turc. Le PKK a brû­lé les armes, il paraît que la Tur­quie veut le dia­logue. L’acquittement total de Pinar Selek – s’il a lieu, les illu­sions sont-elles vrai­ment per­mises ? – pour­rait prendre un nou­veau sym­bole, celui d’un pas vers la « récon­ci­lia­tion » alors que les bombes conti­nuent de pleu­voir.

Les champs de lutte dans les­quels Pinar Selek est impli­quée ne se résument pas à la ques­tion kurde. Ou, plu­tôt, la ques­tion kurde ne se résume pas à un seul champ de lutte. On ne parle pas du « pro­blème kurde » sans par­ler des poli­tiques de lutte contre le ter­ro­risme : répres­sion armée et judi­ciaire, invi­si­bi­li­sa­tion cultu­relle, des­truc­tion des lieux de vie et de la nature. La répres­sion de la mino­ri­té kurde reflète la répres­sion de toutes les mino­ri­tés, armé­nienne, LGBTI et ­autres, mais aus­si des uni­ver­si­taires, des oppo­sants et oppo­santes poli­tiques.

Les exemples ne manquent pas, comme ceux des « sept pri­son­niers et pri­son­nières de Gezi », condam­nées pour avoir orga­ni­sé des mani­fes­ta­tions contre la fer­me­ture du parc de Gezi en 2013, ou encore des « condam­nées de Koba­né », qui avaient par­ti­ci­pé à des mani­fes­ta­tions de sou­tien à la ville de Koba­né située au Kur­dis­tan. À cela il faut rajou­ter des cen­taines d’exemples indi­vi­duels tels que ceux de Meral Şimşek, autrice kurde condam­née pour pro­pa­gande en 2021, ou Tuna Alti­nel, ensei­gnant cher­cheur de l’université Lyon 2 pri­vé de pas­se­port et empri­son­né en Tur­quie en 2019. De fait, le pro­cès de Pinar Selek est indis­so­ciable de la ques­tion de la démo­cra­ti­sa­tion de la Tur­quie.

Après la ten­ta­tive de coup d’État contre Erdo­gan en 2016, l’état d’urgence est décla­ré, entraî­nant des dizaines de mil­liers d’arrestations ain­si que plus d’une cen­taine de mil­liers de per­sonnes limo­gées ou sus­pen­dues. La même année, le mou­ve­ment des uni­ver­si­taires pour la paix publiait une péti­tion pour l’arrêt de la guerre et des per­sé­cu­tions, mais éga­le­ment contre la répres­sion et la cen­sure. Depuis, ils tiennent le compte : sur la jus­ti­fi­ca­tion seule de la signa­ture de la péti­tion, plus de 500 uni­ver­si­taires ont été ren­voyées ou for­cées à la démis­sion.

Le pro­cès de Pinar Selek est indis­so­ciable de la répres­sion par la lutte contre le ter­ro­risme : état d’urgence, panique sécu­ri­taire et construc­tion d’une opi­nion ultra natio­na­liste. Heu­reu­se­ment, en France, on est pas trop concer­nées, si ?

Elfie (UCL Gre­noble)

https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Repression-par-l-Etat-turc-Le-symbole-Pinar-Selek





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