Turquie : la sociologue Pinar Selek condamnée à la prison à vie pour terrorisme

Un tri­bu­nal d’Is­tan­bul a condam­né jeu­di la socio­logue turque Pinar Selek, reju­gée pour la qua­trième fois après trois acquit­te­ments, à la pri­son à vie pour sa par­ti­ci­pa­tion sup­po­sée à un com­mis il y a qua­torze ans.
Après en avoir déli­bé­ré pen­dant plus d’une heure, la cour a recon­nu l’u­ni­ver­si­taire, qui vit en exil en et n’as­sis­tait pas à son pro­cès, cou­pable d’a­voir aidé des rebelles kurdes à com­mettre un atten­tat à l’ex­plo­sif dans un site tou­ris­tique d’Is­tan­bul, le des épices sur la Corne d’or, qui a fait sept morts en 1998.
Le tri­bu­nal a éga­le­ment émis un man­dat d’ar­rêt contre l’ac­cu­sée.
Le ver­dict a pro­vo­qué des réac­tions indi­gnées par­mi les nom­breux sou­tiens de la socio­logue, connue pour ses recherches sur les mino­ri­tés mar­gi­na­li­sées comme les trans­sexuels et les Kurdes, venus assis­ter à cette audience.

Des mili­tantes fémi­nistes ita­liennes ont crié « fas­cistes, fas­cistes » à l’a­dresse des magis­trats, tan­dis que des obser­va­teurs alle­mands ont crié « soli­da­ri­té avec Pinar Selek », a consta­té un jour­na­liste de l’AFP.
Sitôt connue sa condam­na­tion, Pinar Selek a indi­qué à l’AFP à Stras­bourg, où elle réside, qu’elle allait « deman­der l’a­sile poli­tique » à la France. « C’est très dif­fi­cile, mais je vais résis­ter jus­qu’au bout », a‑t-elle ajou­té, « je suis fati­guée mais je suis forte grâce à la soli­da­ri­té qui m’en­toure ».
Arrê­tée et incar­cé­rée à l’âge de 27 ans, la socio­logue a été impli­quée dans cette affaire après avoir refu­sé de don­ner à la police les noms de rebelles kurdes qu’elle avait ren­con­trés dans le cadre de ses recherches. Elle a été libé­rée en 2000 après la publi­ca­tion d’un rap­port attri­buant l’ex­plo­sion à une fuite de gaz.
Les tri­bu­naux turcs, esti­mant que le carac­tère cri­mi­nel de l’ex­plo­sion n’é­tait pas éta­bli et pre­nant en compte la rétrac­ta­tion du prin­ci­pal témoin à charge, ont acquit­té Pinar Selek à trois reprises, mais à chaque fois la Cour de cas­sa­tion a inva­li­dé le juge­ment.
En février 2011, un tri­bu­nal stam­bou­liote a une nou­velle fois reje­té les objec­tions de la Cour de cas­sa­tion, mais a fini par reve­nir sur sa déci­sion le 22 novembre 2012 à la faveur d’un chan­ge­ment de juges, consi­dé­rant que la socio­logue devait être reju­gée.
Qua­li­fiant ce retour­ne­ment de situa­tion d’illé­gal et dénon­çant un « chaos juri­dique », les avo­cats de la défense ont refu­sé pen­dant cette nou­velle audience jeu­di de plai­der sur le fond de l’af­faire.
« Nous sommes face à un vrai scan­dale juri­dique. Même en Tur­quie on n’a jamais vu un tel déni du droit », a com­men­té après le ver­dict Me Alp Selek, le père de l’ac­cu­sée, « l’ac­quit­te­ment avait pris force de chose jugée et seule une déci­sion de la Cour de cas­sa­tion en assem­blée plé­nière pou­vait le remettre en cause ».
Inter­ro­gé sur le man­dat d’ar­rêt déli­vré contre sa fille, Me Selek s’est dit confiant dans le fait que la France n’y répon­drait pas favo­ra­ble­ment : « les Euro­péens savent aus­si bien que nous à quel point cette déci­sion est illé­gale ».
Des dizaines de mili­tants des droits de l’Homme, fémi­nistes et uni­ver­si­taires euro­péens, étaient venus jeu­di à Istan­bul pour sou­te­nir la cher­cheuse.
« On s’a­charne sur notre col­lègue parce qu’elle a exer­cé son métier dans le res­pect de l?éthique, en refu­sant de tra­hir ses sources », a com­men­té Bru­no Cou­sin, vice-pré­sident de l’as­so­cia­tion fran­çaise de socio­lo­gie, après le juge­ment.
« Pinar Selek est une figure sym­bo­lique. Si des gens comme elle pou­vaient tra­vailler libre­ment en Tur­quie, la Tur­quie serait un pays dif­fé­rent », a décla­ré à l’AFP l’é­cri­vain alle­mand Gün­ter Wall­raff.
Éga­le­ment pré­sente à Istan­bul, Per­nelle Richar­dot, adjointe au maire de Stras­bourg, estime que « le cas de Pinar Selek devient emblé­ma­tique d’une jus­tice qui ne fonc­tionne pas aujourd’­hui en Tur­quie ».
A Stras­bourg, 200 per­sonnes se sont ras­sem­blées jeu­di sur le cam­pus de l’u­ni­ver­si­té sous une ban­de­role pro­cla­mant « liber­té pour la recherche, liber­té pour Pinar!!! »





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