Le procès de la sociologue et écrivaine turque Pinar Selek, brièvement rouvert vendredi à Istanbul, a été une nouvelle fois renvoyé au 28 juin 2024.
Après deux ans et demi de prison, maintes fois condamnée et quatre fois acquittée des accusations de terrorisme – en 2006, 2008, 2011 et 2014 – Pinar Selek, réfugiée en France où elle enseigne à l’université de Nice (sud-est) avait vu son dernier acquittement annulé par la Cour suprême en juin 2022.
Comme lors de la première audience, en mars, une délégation internationale d’une cinquantaine d’élus, d’avocats et de représentants du monde culturel et associatif, ainsi que des représentants des consulats de France et de Suisse à Istanbul ont assisté à l’audience devant une salle comble.
Le père de l’accusée, Alp Selek, avocat nonagénaire, s’est adressé à la cour pour dénoncer un « dossier farci de fausses preuves ».
« Nous ne sommes pas en mesure même d’exercer une défense », a-t-il insisté en dénonçant « une affaire très injuste ».
« J’ai 90 ans, il ne me reste plus longtemps à vivre et cette affaire ne fait que traîner ».
Pour son avocate française Françoise Cotta, qui a réclamé « la justice » et l’abandon des poursuites, « Pinar Selek est devenue le symbole de la lutte pour la liberté démocratique ».
« On a le sentiment que ça ne va jamais s’arrêter (…) Cette pression dure depuis 25 ans, c’est humainement impossible », a dénoncé à l’issue de l’audience la députée française Pascale Martin, venue assister au procès.
Le juge a continué d’insister sur la demande d’extradition faite à la France afin de placer la sociologue et écrivaine en détention.
Pinar Selek, infatigable défenseuse des droits humains et des minorités, âgée de 51 ans, qui vit et enseigne à Nice dans le sud de la France, avait été arrêtée en 1998 pour ses travaux sur la communauté kurde, avant d’être accusée d’être liée à une explosion qui venait de faire sept morts au bazar aux épices d’Istanbul.
Une expertise a montré qu’il s’agissait de l’explosion accidentelle d’une bouteille de gaz. Libérée en décembre 2000, la militante a été acquittée quatre fois, en 2006, 2008, 2011 et 2014.
Un temps restée se battre en Turquie, Pinar Selek a pris le chemin de l’exil en 2009, quand les menaces se sont multipliées, après la publication de « Devenir un homme en rampant », un recueil de témoignages sur la construction de la masculinité dans le service militaire, succès d’édition en Turquie.
« La vie est courte, je veux la vivre bien. Je ne veux pas que ce procès façonne ma vie. Ils ne pourront pas effacer mon sourire ni diminuer la qualité de ma réflexion », a-t-elle affirmé dans un entretien récent à l’AFP.
Agence France-Presse