Turquie : Une sociologue accusée d’attentat acquittée

ISTANBUL, 9 fév 2011 (AFP) — Un tri­bu­nal stam­bou­liote a acquit­té mer­cre­di Pinar Selek, une socio­logue et acti­viste turque pour­sui­vie dans d’un pro­cès très contro­ver­sé concer­nant un atten­tat meur­trier com­mis 13 ans plus tôt.

La Cour d’as­sises d’Is­tan­bul a refu­sé de suivre l’a­vis de la Cour de cas­sa­tion, qui pré­co­ni­sait une peine de pri­son à vie pour la scien­ti­fique, et a main­te­nu sa déci­sion d’ac­quit­ter la jeune femme, a décla­ré à la sor­tie du tri­bu­nal l’a­vo­cat de la défense Bah­ri Bay­ram Belen.

Pinar Selek, 39 ans, connue pour ses recherches sur le conflit kurde, était accu­sée d’a­voir aidé des rebelles kurdes à com­mettre un atten­tat à la bombe à l’en­trée du tou­ris­tique mar­ché des épices d’Is­tan­bul, qui a fait sept morts et 127 bles­sés en juillet 1998.

Elle a été impli­quée dans l’en­quête après avoir refu­sé de don­ner à la police les noms de rebelles qu’elle avait ren­con­trés dans le cadre de ses recherches. Pla­cée en déten­tion pré­ven­tive, elle a été libé­rée en 2000 après la publi­ca­tion d’un rap­port attri­buant l’ex­plo­sion à une fuite de gaz.

La Cour d’as­sises, esti­mant que le carac­tère cri­mi­nel de l’ex­plo­sion n’é­tait pas éta­bli et pre­nant en compte la rétrac­ta­tion du prin­ci­pal témoin incri­mi­nant Pinar Selek, avait déjà acquit­tée à deux reprises la cher­cheuse, qui vit actuel­le­ment à Ber­lin et n’a pas assis­té à l’au­dience.

Mais à chaque fois, la Cour de cas­sa­tion a cas­sé la déci­sion.

L’an­nonce de cet ultime acquit­te­ment a été accueillie avec des cris de joie par des intel­lec­tuels, uni­ver­si­taires, fémi­nistes et mili­tants des droits de l’Homme turcs et euro­péens réunis devant le tri­bu­nal pour sou­te­nir Mme Selek, par­mi les­quels figu­rait notam­ment l’é­cri­vain turc Yasar Kemal.

« C’est une grande déci­sion, qui va peut-être redon­ner confiance aux Turcs en leur jus­tice », a décla­ré à l’AFP l’eu­ro­dé­pu­tée Hélène Flautre, co-pré­si­dente de la com­mis­sion par­le­men­taire conjointe Tur­quie-Union euro­péenne.

Inter­ro­gée au télé­phone par l’AFP, Mme Selek s’est féli­ci­tée d’une vic­toire sur des forces anti­dé­mo­cra­tiques agis­sant au sein de la bureau­cra­tie turque.

« Ils ont vou­lu me punir parce que j’é­tais une femme, une socio­logue issue des milieux alter­na­tifs et parce que j’ai tou­ché à trop de choses, mais ils ont per­du », a‑t-elle décla­ré, dési­gnant une « coa­li­tion de forces mili­ta­ristes et natio­na­listes au sein de la bureau­cra­tie ».

« J’es­père sin­cè­re­ment que ce juge­ment met un terme à cette pro­cé­dure judi­ciaire », a décla­ré le com­mis­saire euro­péen en charge de l’E­lar­gis­se­ment, Ste­fan Füle, sou­li­gnant que la Com­mis­sion a sui­vi de près l’af­faire depuis le début, « comme elle a sou­le­vé de nom­breuses inquié­tudes quant au droit à un pro­cès équi­table dans un délai rai­son­nable, l’un des droits fon­da­men­taux ins­crits dans la Conven­tion euro­péenne des droits de l’Homme ».
yo/ai





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