13 ans après, Pınar Selek, toujours symbole

Tous les témoins de l’innocence de Pınar Selek demandent la fin du harcèlement juridique contre elle, en mettant l’accent sur la nature symbolique de « l’affaire Selek ». Treize ans après le début du procès, cet adjectif n’a rien perdu de sa pertinence. Les multiples violations des droits de l’Homme depuis les derniers mois en Turquie révèlent que la majorité des répressions visent toujours et essentiellement ceux qui militent pour la résolution de la question kurde. Pınar elle-même n’est-elle toujours pas poursuivie pour « appartenance à un organisme terroriste » ? Puisque la bombe n’est pas une bombe, mais une explosion de bonbonnière de gaz, puisqu’il n’y a pas de séparatistes kurdes derrière un « attentat », il ne devrait plus y avoir procès. Mais le droit turc étant ce que c’est, après treize ans et trois acquittement, reste toujours sa soi-disant appartenance à un groupe terroriste, et c’est pour cela que le procès continue…

Les répressions récentes inquiètent, de par le monde, les vrais amis de la Turquie. Comme souligné dans le dernier rapport annuel (octobre 2011) de la Fédération internationale de ligues de droits de l’Homme (FIDH), « la répression s’est intensifiée contre toutes celles et tous ceux qui ont critiqué la politique du gouvernement, notamment au sujet de la question kurde ». Une révision musclée de la loi anti-terroriste en 2006 a permis au gouvernement et aux forces de l’ordre d’intensifier, voire de multiplier par 30 le nombre de personnes condamnées à travers ces lois, notamment de 273 en 2005 à 6345 en 2009. La grande majorité de ces condamnations tombent dans le domaine de « la question kurde ». Ainsi, une universitaire et un éditeur éminents deviennent les dernières victimes de la rafle décomplexée contre les « souteneurs des Kurdes ».

Qu’est-ce qui a changé depuis le début du procès de Pınar ? Rien. Pire, les choses se sont aggravées. Il y a treize ans, Pınar était poursuivie en justice après avoir mené une recherche scientifique auprès des Kurdes qui avaient choisi le combat armé. Aujourd’hui, la chasse aux sorcières contre ceux qui oeuvrent pour une solution politique de la question kurde est relancée. Et Pınar reste le symbole, aujourd’hui encore plus pertinemment qu’il y a treize ans, d’un harcèlement systématique des dissidents turcs qui veulent la fin d’une guerre civile, d’une fratrie soutenue autant par l’Etat turc que les séparatistes kurdes.

Le procès de Pınar Selek restera ainsi le baromètre de la répression politique en Turquie.

Defne Gürsoy





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