La femme qui compte : Pinar Selek

éfugiée en France, cette sociologue turque s’est attirée les foudres de son gouvernement en défendant les minorités. Son dernier livre est un nouveau pamphlet aux accents intimistes

Si on cherchait la justice en Turquie, on devrait soit s’exiler, soit se résigner à la prison, ou encore mourir », écrit Pinar Selek, qui a payé tres cher ses convictions et sa quête de liberté d’expression. Apres avoir passé deux ans en prison, entre 1998 et 2000 – son corps porte encore les séquelles de la torture -. elle est poursuivie par la justice turque depuis quinze ans.

« Travailler sur les questions kurde et arménienne, c’était franchir une ligne rouge, confie-t-elle. Mais j’aime les lignes rouges, Elles te montrent que tu es sur le bon chemin. » Son dernier livre, intitulé Parce qu ‘ils sont arméniens est un émème pied de nez aux autorités de son pays.

Dans ce récit très personnel, ponctué de souvenirs d’enfance, elle se remémore les livres d’histoire mensongers, les enseignants qui prônent la supériorité nationale, et « l’invisibilité » des Arméniens dans la société stambouliote. Elle raconte leur constante discrétion , leur façon de faire la sourde oreille aux insultes.

Mais aussi ce qui se dit à huis clos, quand les langues se délient. « Les rescapés du génocide sont pris en otages, assène la militante. Ils sont considérés comme des ennemis de l’intérieur et doivent constamment prouver leur fidélité à l’Etat turc. » Leur trace a été effacée de l’Histoire, des noms des rues aux monuments. « Etre arménien en Turquie c’est déambuler sans révolte sur des avenues baptisées des noms des gouvernants responsables du génocide. C’était prononcer le nom de l’assassin de son grand-père et de sa grand-mère en s’échangeant une adresse », écrit Pinar Selek.

Acquittée a quatre reprises, la sociologue et romancière est accusée d’avoir commis un attentat en juillet 1998, à Istanbul, au marché aux épices, qui a fait sept morts. Debut janvier, le procureur a fait appel… pour la cinquième fois. « Epuisée mais déterminée à se battre », Pinar Selek continue de plaider son innocence – les rapports d’expertise concluent à une fuite de gaz.

Elle bénéficie même du soutien de l’écrivain Orban Pamuk, prix Nobel de littérature, et de celui de Yachar Kemal, romancier et journaliste d’origine kurde. « Mon pays me manque terriblement mais j’ai la chance d’être très bien entourée. Je me sens plus legère depuis que j’ai écrit ce livre », ajoute, souriante, Pinar Selek, nommée citoyenne d’honneur de la ville de Lyon en janvier dernier.

REBECCA BENHAMOU

http://www.lexpress.fr/culture/livre/parce-qu-ils-sont-armeniens-pinar-selek-franchit-la-ligne-rouge_1648100.html





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