Unjust provocation, interview de Pinar Selek par Ayşegül Sönmez

«  ON NE PEUT PAS TE PROTEGER SI TU ES HABILLEE COMME UNE FEMME »

Article issu du livre-exposition «Unjust provocation » ( éditions Amargi/Ayşegül Sönmez: Eylül 2009.) Il s’agissait d’une exposition-action sous la forme d’un manifeste, d’un espace pour réunir des femmes artistes, des militantes et des universitaires autour du sujet « être femme en Turquie ». Voici un extrait de l’interview de Pinar Selek, à propos de celles qu’on nomme « les travailleuses du sexe ».

« Pour moi, la chose primordiale est de vivre différentes expériences avec différents rapports de pouvoir. On devient juste aussi profond que les expériences qu’on a traversées. On ne connait pas les autres expériences et en conséquence, la perception du pouvoir dans celles qu’on a vécues devient inévitablement celle qui est évidente pour nous. »

PINAR SELEK

 

INTERVIEWEE PAR AYŞEGÜL SÖNMEZ

Quand as-tu compris pour la première fois que tu étais une femme et que tu étais différente ?

Lorsque tu m’as posé cette question, j’ai soudain pensé à mon père… Mon père et moi avons passé beaucoup de temps ensemble quand j’étais jeune, à l’âge de sept ou huit ans… Son bureau était à Karaköy. Nous avions l’habitude d’aller du côté européen ensemble. J’étais toujours auprèsde lui. Nous vivions à Şaşkinbakkal, du côté de l’Anatolie. Ses amis allaient souvent pêcher à Bostancı… Parfois, mon père et moi  montions sur leurs bateaux et nous asseyions côte à côte avec d’autres personnes. Ensuite, mon père s’est fait emprisonner lorsque j’étais en CM1. Il n’a pas été présent dans ma vie pendant quatre ans et demi. J’ai découvert que j’étais une femme lorsque j’ai marché dans ces rues sans lui… Mon corps s’était développé très vite pour mon âge, j’avais déjà de la poitrine.  J’étais attirante malgré mon jeune âge. J’attirais l’attention des gens même à cet âge. Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas marcher le long de la côte ou aller au bazar que nous explorions avec mon père, aussi confortablement que je le faisais avec lui. Par exemple, je voyais ces pêcheurs, mais je ne pouvais pas sauter dans leurs bateaux. Si je l’avais fait, ça aurait été mal interprété.

Qu’as-tu réalisé en premier lorsque tu as découvert que tu avais un « corps de femme » ?

Oui, au plus vrai sens du terme, ce que j’ai compris du fait que je possédais un corps de femme. Ma mère était pharmacienne. Dans la lutte, qu’elle a livrée par elle-même, nous étions comme ses sœurs, elle partageait tous ses secrets avec nous. Elle nous disait tout : les problèmes qu’elle avait avec la famille de mon père, ses propres problèmes… D’un autre côté, il y avait aussi l’idée d’amitié et de solidarité entre femmes. Il y avait beaucoup de ces femmes autour de ma mère. Elles n’appelaient pas ça du féminisme, mais il y avait cette sororité dans l’air. A mon avis c’était un environnement très politique.

Es-tu devenue de gauche avant de devenir féministe ?

Je me suis familiarisée avec des valeurs telles que la liberté, la justice et l’égalité avant d’arriver au féminisme. C’était une période pendant laquelle les gens faisaient d’énormes sacrifices sans rien attendre en retour, sans intention de remplir leur CVou appeler ça un projet. A cette période, j’ai vu combiendes valeurs telles que la liberté, la justice et l’égalité existaient à l’intérieur même des gens. Mon père, qui était avocat, représentait beaucoup de jeunes gens au tribunal. Les gens se réunissaient toujours chez nous. C’était comme si la maison était un lieu de passage pour tous et n’appartenait pas vraiment à notre famille. Par exemple j’ai été influencée par Behice Boran  en tant que femme… Elle venait très souvent à la maison elle aussi. Le fait que les gens parlent constamment de politique a aussi contribué à forger mon caractère. Lorsque mon père était en prison, je suis entrée au Lycée Notre Dame de Sion. C’était une école pour filles. J’ai eu de la chance parce que le lycée  Notre Dame de Sion n’appliquait pas le programme imposé par le coup d’état du 12 septembre. Là-bas, nous apprenions la philosophie et la littérature, nous lisions Sartre et Camus, nous avions beaucoup de débats. La petite fille de Kenan Evren, le commandant qui avait mené le coup d’état militaire était avec nous à  Notre Dame de Sion.

Tu plaisantes… Quel genre d’étudiante étais-tu ?

Eh bien… j’étais la championne des punitions.  Nous publiions un journal qu’on affichait sur les murs de l’école. Nous y faisions paraître des poèmes de Nâzim Hikmet sous des faux noms.

Comment le coup d’état militaire du 12 septembre t’a-t-il affectée ?

J’ai été très touchée parce que beaucoup de personnes en quête de liberté ont soudain disparu. Tout le monde était arrêté. Nous entendions tout le temps parler de torture, de mort et d’évasions. La liberté fait partie des choses pour lesquelles tu peux renoncer à ta vie. Après cette période, nous vivions et partagions constamment l’excitation et l’enthousiasme de la liberté.

Si nous devions commémorer Behice Boran… pourrais-tu nous expliquer quel genre de figure féminine elle est pour toi ?

Behice Boran, m’a énormément influencée. D’abord, elle est comme mon amie d’enfance. Ensuite, je pense que je n’ai compris son influence sur mon exploration personnelle qu’une fois que j’ai terminé mes études de sociologie.

Je sais qu’elle était capable d’être un sujet plutôt qu’un objet dans ses relations personnelles et je sais qu’elle était capable de gérer tous les domaines de sa vie. J’ai vu les relations qu’elle a établies avec des hommes du parti. Dans ce sens, elle avait l’image d’une femme forte pour moi. Toutefois, ce n’est pas la seule image de femme qui m’ait influencée, puisque à cette époque, ma mère avait une grande place dans ma vie. Ma mère était également membre du CHP (Le Parti Républicain du Peuple) mais en avait pris ses distances. Elle votait pour le TIP (le Parti des Travailleurs Turcs) mais elle n’en était pas membre. Notre pharmacie était à Şaşkinbakkal où tout le monde l’aimait comme une grande sœur.

En Turquie, les femmes pharmaciennes sont des femmes positivistes, en qui tout le monde a confiance, non ?

En particulier les pharmaciennes traditionnelles qui aidaient les gens tout comme les médecins. J’ai grandi dans une pharmacie, notre maison en était très proche et j’avais l’habitude d’y travailler avec ma mère. Les femmes parlent d’affaires privées dans une pharmacie, j’y ai entendu tellement de choses, ça a été très instructif pour moi. C’est parce que la pharmacie était aussi un salon de thé. Les personnes y venaient pour parler, et ma mère avait une conscience aiguisée des questions de femmes. Déjà dans ses relations avec mon père, ma mère adorait vivre et ressentir le fait d’être une femme. Elle existait en tant que femme et n’essayait pas de se le cacher.

Y a-t-il eu d’autres femmes en dehors de ta mère qui t’aient influencée ?

Bien sûr. J’ai découvert Camille Claudel en dernière année de collège. Je me suis imprégnée des expériences de Camille Claudel et les ai absorbées. En dehors de cela, j’ai vraiment été influencée par Sabiha Sertel. Elle était le même genre de femme que Behice Boran.

Et qu’en est-il des hommes ?

Lorsque j’étais au collège, je suis tombée amoureuse du prof de théâtre qui était venu dans notre classe et j’ai eu une aventure avec lui. Bien sûr il était beaucoup plus vieux que moi. C’est l’une des plus importantes relations que j’ai eues. C’est la relation dans laquelle j’ai vu ce que c’est que de connaître vraiment un homme et de voir la relation entre la première impression et ce qu’il est vraiment à l’intérieur. Cette relation a été comme une école pour moi. Bien sûr notre relation était bien différente de celle entre Camille et Rodin. Après un certain temps, lorsque je me suis rendue compte de ce qu’il était vraiment, j’ai commencé à m’ennuyer. Il m’a couru après, mais j’ai continué à l’éviter. Toute l’école était au courant. « Ton mec arrive », on me disait et je sortais par la porte de derrière. Vivre ces expériences a été très important pour moi.

Tu as mentionné la grande différence entre l’impression que tu as d’un homme et ce qu’il est vraiment à l’intérieur… Parlons un peu de cette image des hommes.

C’était mon amoureux et pas du tout une mauvaise personne, mais il m’a montré combien l’existence d’un homme était difficile. La différence entre ce qu’il semblait être de l’extérieur et ce qu’il était lorsque nous étions seuls, le fait qu’il s’agissait de deux êtres différents avait beaucoup d’importance pour moi. Il était mon prof de théâtre, mon amant. Il était plus vieux que moi et il essayait de me recréer ou de me limiter entre les murs du barrage qu’il essayait de construire autour de moi. Il essayait de m’orienter vers ses propres désirs et était constamment dans une humeur qui signifiait « Tu es une chose magnifique, que je vais entraîner du mieux que je peux ». D’un autre côté, il avait peur que je franchisse ces frontières qu’il avait tracées et que je m’en aille. J’ai découvert cette hypocrisie lorsque nous étions seuls.

Est-ce que tu t’en es rendue compte et ensuite tu l’as oublié à chaque fois que tu es de nouveau tombée amoureuse, comme tout le monde ?

Non, voici ce que je pense. Ce qu’il faut parvenir à gérer n’est pas cette personne en particulier. Je veux dire, bien sûr les personnes ne sont pas des objets, chaque personne est un sujet, mais il est possible d’être à la fois sujet et complice. Il faut parvenir à cela afin de profiter des avantages de l’hégémonie. C’est peut-être après cette expérience que j’ai commencé à ressentir le besoin de comprendre l’esprit et le contexte de la question de l’hégémonie.

Es-tu devenue féministe suite à ce besoin ? Quand as-tu commencé à te considérer comme féministe ?

Je me suis inscrite en sociologie et c’est là que j’ai découvert le féminisme. Je me considérais comme une féministe à cette période, mais le féminisme n’était pas une priorité pour moi. J’apprenais et je me décrivais comme une féministe. J’ai lu Foucault, Bataille, Deleuze… Le département de sociologie à l’Université de Mimar Sinan était tout à fait approprié pour cela. D’abord, j’ai commencé par questionner la vie et ensuite les institutions. J’ai commencé à rechercher la liberté dans les concepts que je lisais et à comprendre quelle tâche difficile cela représentait. Il n’y a pas qu’un seul obstacle pour devenir libre, tu ne peux pas juste l’éliminer et devenir libre.

Commençons par les enfants vivant dans les rues. As-tu commencé à travailler dans la rue pour ton enquête de terrain ?

Non, je n’ai pas du faire un effort particulier pour être en contact avec la rue. J’ai été en contact avec la rue depuis le lycée. Les gens de la rue étaient très différents de moi : travestis, voleurs, toxicomanes, alcooliques, des gens qui vivaient de ce qu’ils trouvaient dans les poubelles, des étudiants et des gitans ou des anarchistes chantant dans les rues. Lorsque j’étais en licence, je me suis demandé si nous pouvions établir le contact avec eux. Lorsque je suis allée au lycée dans le quartier Taksim d’Istanbul, j’ai créé des liens avec eux pendant un temps. Je sortais des cours à 13h30 et je passais du temps dans la rue avec eux jusqu’au soir. C’est pourquoi j’avais beaucoup d’amis parmi eux, cependant mes amis ne s’appréciaient pas. Les travestis n’aimaient pas les enfants des rues, et ces enfants des rues qui étaient accrocs au diluant n’aimaient pas les voleurs. Ensuite, les gens ont fini par se supporter parce qu’ils étaient tous mes amis. Avec ce que j’avais appris en sociologie, je leur ai dit que nous pouvions créer un espace de communication entre nous et avons alors initié quelque chose de beau. Nous avons mis en place un atelier pour les artistes de la rue et nous l’avons fait sans aide financière, nous avions trouvé un lieu à Galatasaray. Tous les flics me connaissaient très bien : lorsqu’un enfant se faisait arrêter, c’est moi qui allais au poste de police m’occuper de cet de lui. Le responsable de notre département de sociologie connaissait le chef de la police, j’avais l’habitude de lui donner son nom. Après un temps, les flics ont commencé à très bien me connaître et à me traiter comme Mère Thérésa. Ensuite, j’ai commencé à passer quelques nuits dans la rue et ça a été une expérience très importante pour moi.

Tu as passé quelques nuits dans la rue ? Peux-tu nous parler de ta première nuit ?

Un jour,  je racontais une histoire aux enfants et ils m’ont demandé de rester avec eux cette nuit-là. Je leur ai dit que je le ferai, mais je leur ai demandé comment ils allaient me protéger : « On ne peut pas te protéger si tu t’habilles comme une fille ! », m’ont-ils dit. La rue où se trouve le Ara Café aujourd’hui et qui donne sur le Lycée Galatasaray était déserte à cette époque. Ils dormaient là par terre tous ensemble. Et aussi, il  y avait un autre lieu à Dolmabahçe où ils  étaient, en face du palais de Dolmabahçe, une sorte de parc. Bref, je leur ai dit que je ne pouvais pas rester à Galatasaray cette nuit-là et que Dolmabahçe serait mieux. Nous allions dormir au parc de Dolmabahçe : « On te cachera »,  ils me disaient. Je leur demandais comment ils comptaient faire ça parce que je n’étais pas si petite et que quelqu’un pourrait remarquer ma poitrine en passant. Ils avaient des vêtements qu’ils portaient lorsqu’ils mendiaient. Les enfants les portaient par-dessus leurs vêtements, c’était un peu comme les costumes d’une pièce de théâtre. Ils mettaient ces vêtements pour mendier ou bien les cachaient dans certains endroits de la ville. Il y avait un endroit dans le parc derrière Okadule où ces vêtements étaient entassés. Il y avait plusieurs endroits où ils cachaient ces vêtements, dont un à Galatsaray. L’un des enfants a couru chercher une veste et un pantalon à ma taille. Je n’ai pas enlevé les vêtements que je portais déjà  et j’ai mis ce pantalon et cette veste par-dessus. J’ai aussi attaché mes cheveux en arrière et mis un de leurs bérets et une casquette par-dessus. Ils m’ont aussi donné un manteau ample. J’étais assise dans ces loques avec ces enfants et personne ne comprenait que j’étais une femme. Les enfants m’ont dit qu’ils ne le diraient pas aux alcooliques de la rue. Ils m’ont dit que personne ne devait le savoir parce que sinon, ils ne pourraient pas me protéger. Et j’ai passé la nuit avec eux jusqu’au matin, j’ai même un peu dormi…raconté des histoires aussi.

Ensuite, c’est devenu une habitude de rester avec eux la nuit une fois par semaine à Galatasaray.

Les matins des nuits que tu passais dans la rue, est-ce que tu te réveillais avec un sentiment de liberté ?

Lorsqu’on vit la vie, nous la vivons avec des codes multiples et les cartes de la ville que nous avons dessinées sont strictement définies. Les rencontres que nous faisons sont définies. La manière de croiser le regard des autres et notre façon de nous exprimer est déterminée. Sortir de ce cadre et regarder la vie depuis là où tu dors, dans la rue, dans d’autres vêtements, c’est incroyable. J’ai dormi dans beaucoup de coins de la rue Istiklal et personne ne m’a reconnue. Peux-tu imaginer la beauté de cela ? Avec le temps, certaines personnes de la rue ont commencé à me connaître.  Certains alcooliques et mendiants ont accepté ma présence et je suis devenue intouchable. Ca m’a donné une grande confiance en moi. Un jour, j’ai été harcelée, pas par quelqu’un que je connaissais, mais quelqu’un d’autre. Le gars a été exclu et n’a jamais pu revenir à Istanbul. La rue me protégeait. Je ressentais que je n’avais pas besoin de me trouver une maison et que je pouvais tout aussi bien dormir dans la rue. Cette confiance était incroyable. Des rencontres incroyables ont lieu dans la rue et tu vois à quel point chacune d’entre elles est enrichissante. Ensuite, tu penses à ton ancienne vie, à ces vies étroites d’esprit et tu ne veux jamais revenir à cela. Ce genre de rencontres commencent à devenir plus importantes pour toi. La rue est importante et la maison aussi. J’aime aussi être à la maison et y vivre. Etre installée quelque part est sympa aussi mais ne pas l’être est définitivement autre chose.

Nous avons lu Foucault, Deleuze et Derrida mais nous n’avons jamais appliqué leurs idées à nos vies dans ce sens. Tu as réussi à appliquer leurs idées à ta vie. Tu as également réussi à être une universitaire, ce qui est aussi intéressant. Un grand atout pour le monde universitaire…

Dans mes premières années d’étude de la sociologie, les sujets les plus en vogue étaient Foucault, Deleuze et le principe de « Déplacement ». Cependant il y avait une différence entre moi et les autres qui discutaient sur ces sujets. Ils se contentaient de sortir de chez eux pour aller à l’école alors que je voulais lutter pour la liberté, contre l’oppression et le coup d’état militaire du 12 septembre. Donc, j’étudiais pour pouvoir appliquer ce que j’étais en train d’étudier à la vie réelle. Je suis sortie major de ma promotion. Je n’allais même pas aux cours régulièrement. Ali Akai avait ouvert une exposition à ce moment-là à Tepebaṣi qui était sur le point d’être reportée. Je ne pourrai jamais oublier cette exposition. J’étais dans la rue à cette époque, même si j’étais juste une étudiante. A cette époque, Süleyman Ulusoy, le chef de la police de Beyoğlu, aussi appelé « La Buse »[1]parce qu’il venait à bout des criminels avec des tuyaux, avait mis encore une fois Beyoğlu sans dessus-dessous. Je lui ai dit que je devais emmener les enfants à une exposition parce qu’il y avait une exposition à leur sujet. Il m’a dit que je ne pouvais pas faire ça parce que les enfants avaient fait ceci et cela. Je lui ai dit que l’exposition était à leur sujet et que toute l’école les attendait. J’ai fait sortir 30 gamins de prison, ils ont désigné un flic pour nous surveiller et nous sommes allés à l’exposition ensemble avec les flics. Le flic a regardé l’exposition et nous a laissés partir.  Nous sommes allés à l’intérieur, mais les enfants ont commencé à courir partout, à crier et toucher à tout. On nous a demandé de dire aux enfants de ne toucher à rien. Je leur ai répondu de laisser les mains de la rue toucher à l’exposition.

C’est la contradiction évidente entre la vie et l’art… En fait, c’est ce qui est si difficile à accepter, non ?

J’étais plus rebelle autrefois. Maintenant, j’accepte les choses. J’ai commencé à me questionner plus profondément au regard de ce que je cherchais en faisant ces choses. C’est parce que, quand on commence à critiquer les autres, on devient incapable de continuer son propre voyage. Je dis, continuons nos voyages.

C’est vrai ? Le tien est un voyage unique et extraordinaire : à l’université, dans la rue, en prison, en procès…

Oui, mais finalement, chacun-e avance sur son chemin, vit ses contradictions et ses priorités. Ainsi, ce qui ressort de ces expériences, comme le sens donné à la liberté et l’amour, peut être différent pour chacun-e. Cela étant dit, pendant le temps que j’ai passé dans la rue, j’ai vécu quelque chose de très important. Toutefois, ensuite, en 1996 l’incident de la rue Ülker a eu lieu.  Avant cela, j’avais déjà rencontré des travailleuses du sexe par hasard, ce que je ne détaillerai pas ici. Après cela, les esclaves sexuelles, les travailleuses du sexe, les prostituées, peu importe comment on veut les appeler, ont commencé à m’intéresser sérieusement. Imaginez un groupe de femmes qui doivent vivre avec pour identité une insulte… Appeler quelqu’une, une pute ou une prostituée reste une insulte après tout. Et elles le vivent, c’est leur travail. Ca m’a paru vraiment être un fardeau. Ce qui m’a semblé pesant aussi ce sont les femmes vendues et chosifiées, et les flics qui attendaient à leur porte etc. Après tout, il n’y a pas d’endroit où les corps des hommes sont vendus. Les hommes entrent, paient et baisent. Le gouvernement soutient cela et les femmes sont vendues dans ces maisons.

Quelle était ton intention quand tu as commencé à t’intéresser tout particulièrement à ces femmes ?

Je voulais les comprendre. C’est ce qui m’importait. Ces femmes endurent de graves souffrances. Mon intention était de comprendre ces souffrances et de faire tout ce que je pouvais pour elles. A cette époque, il y avait un syndicat appelé Genel-İş. Certaines de ces femmes essayaient de se syndiquer à Genel-İş. Le gouvernement avait posé des vitres opaques aux fenêtres des maisons dans lesquelles elles travaillaient. Les femmes ne pouvaient pas se montrer et voulaient que les vitres opaques soient retirées. J’ai été le témoin d’une exploitation incroyable dans ce rapport de pouvoir.

Il me semble que les conditions de travail ne peuvent jamais être équitables ou justes…

Si, cela peut être amélioré. La femme qui travaille comme travailleuse du sexe là-bas  ne peut même pas acheter des olives dans le magasin qu’elle veut parce que tout est contrôlé par la mafia… Les femmes croulent toujours sous des montants de dette énormes. Par exemple, les femmesde Manukyan[2]travaillent dans des conditions terribles… les hommes ont des relations sexuelles dans ces endroits puis retournent à la maison faire l’amour avec leurs femmes. Le gardien des mœurs discrimine la travailleuse du sexe à l’extérieur, mais à l’intérieur de cette maison close, il a des relations sexuelles avec elle. C’est l’hypocrisie dont je te parlais au début de cette interview… Là-bas, j’ai vu cette hypocrisie flagrante. En fait, c’est des hommes dont j’étais la plus curieuse ; je voulais les regarder. C’est parce que je crois en quelque chose. Je crois que l’on voit les choses différemment à chaque fois qu’on regarde cette chose d’un point de vue différent. Bon, nous ne pouvons vraiment voir que peu de choses de là où nous nous situons habituellement. J’ai vu certaines choses dans la rue. De là où les travailleuses du sexe travaillent, vous voyez une facette de la vie complètement différente, et j’ai pensé que c’était une expérience qui en valait la peine. C’est pourquoi je suis allée à l’Hôpital pour les Maladies Vénériennes et que j’ai passé la nuit là-bas. J’ai remarqué, par exemple, que les travestis et les transsexuels pouvaient s’exprimer plus facilement. Quand ils sont tous ensemble, on peut voir les différences entre les femmes et les travestis… Ils étaient tous ensemble à l’Hôpital pour les Maladies Vénériennes. Les travailleuses du sexe qui étaient placées en garde à vue au poste de police étaient emmenées en priorité à l’hôpital et restaient là pendant deux nuits. J’y restais avec elles. A cette époque, je suivais la bataille féministe de loin mais je n’y participais pas activement. Pourtant, toutes ces choses que je faisais constituaient un grand périple à mes yeux, elles constituaient une expérience et un apprentissage incroyable.

Ce péripleallait également inclure l’incident de la rue Ülker…Parlons aussi de l’expérience de la rue Ülker qui a été médiatisée comme une simpleopération de nettoyage.

Là, j’ai compris quelque chose d’une importance capitale… J’ai entendu de nombreuses histoires sur le concept du transgenre. Jusqu’à la rue Ülker, je n’avais questionné le genre et la sexualité que théoriquement, mais cette expérience m’a permis d’acquérir une compréhension bien plus profonde du sujet. Vouloir être une femme en tant qu’homme…chacun avec, à l’esprit, une représentation différente de la femme. L’un d’eux disait : « J’aimais tricoter la laine quand j’étais jeune. » Pourtant, tricoter n’est pas exactement un passage obligé pour « être »  une femme… Nous avions l’habitude de questionner beaucoup de choses ensemble. Beaucoup d’entre eux étaient en fait homosexuels mais avaient recours à des opérations chirurgicales pour se faire retirer le pénis. Puis, ils avaient réalisé qu’ils n’étaient pas travestis mais gais. Ils pensaient être femmeuniquement parce qu’ils aimaient un homme mais en réalité, ils ne se sentaient pas femme. Il y a une différence entre un homosexuel et un travesti, tu sais ? Un homosexuel peut être un homme ou une femme qui aime quelqu’un du même sexe. Cette personne veut changer de sexe. J’ai rencontré beaucoup de transsexuelles lesbiennes. Ou bien une femme veut être un homme et aime être avec des femmes. Ce que je veux dire, c’est que j’ai remarqué la différence entre le sexe et la sexualité. La sexualité n’a rien à voir avec le sexe. C’est le désir de deux personnes de devenir une physiquement et de s’aimer l’une l’autre. C’est de la chimie. Cela ne doit pas nécessairement avoir lieu entre personnes de sexe opposé. Comme je l’ai dit, il y a des hommes qui se sentent femmes et subissent des opérations chirurgicales pour devenir des femmes tout en aimant être avec des femmes. De quelle forme de relation s’agit-il alors ? De prime abord, j’ai pensé que c’était un homme qui regrettait d’avoir subi cette opération et qui aimait les femmes parce que l’homme en lui s’était réveillé. Maintenant, j’ai réalisé que ce n’était pas ça.

Ce que tu as vécu correspond exactement aux sujets en débat dans les critiques posées par la 3ème génération féministe, n’est-ce pas ?

Oui, absolument. C’est ainsi depuis le début. J’ai toujours étudié des gens qui avaient été opprimés d’une façon ou d’une autre. Tout d’abord, les histoires de vie autour de ce sujet de la sexualité ont considérablement enrichi mon univers. Ensuite, j’ai de nouveau rencontré cette chose qu’on appelle hypocrisie… Par exemple, je suis restée dans les maisons où les travailleuses du sexe travaillent. Les clients entraient mais ne me voyaient pas. Il y  avait deux pièces côte à côte. Il y avait un miroir sans teint entre les pièces. Je regardais tout au travers du miroir. Je ne regardais pas ce qui se passait à l’intérieur mais la phase de négociation. J’ai parlé de ce miroir dans le dernier chapitre de Masques, Cavaliers et Gacı. Pour moi, ce miroir[3]était en réalité le miroir de la vie. Derrière ce miroir, j’ai vu beaucoup de gens que je connaissais. J’ai donné ma parole que je ne dirais à personne que je les avais vus là. Ce n’était pas des amis très proches mais de nombreux hommes que je voyais à l’occasion. Il y en avait parmi eux qui m’avaient dit : « Ne t’occupe pas des travestis, fais des choses plus importantes. »

Les masques ?

Oui, les masques. C’est pour cette raison que le titre du livre est Masques, Cavaliers et Gacı. Donc, le masque était là-bas d’une importance capitale. Quand ces négociations avaient lieu, par exemple, les clients ouvraient son entrejambepour voir si elle avait subi une opération chirurgicale pour se faire retirer le pénis ou pas. Si elle n’avait pas subi d’opération, c’était plus cher. Si elle en avait subi une, c’était moins cher. J’ai vu toutes sortes de choses. Tellement de choses remontent à la surface dans les allées sombres de la vie.

Les psychothérapeutes expliquent que le monde des fantasmes est très important. Quand un homme désire être avec un autre homme pourvu d’un pénis et habillé comme une femme, et passe réellement à l’acte, n’est-ce pas important au nom de la liberté ? Ne fait-il pas preuve de courage d’entrer dans ces endroits pour suivre ses désirs ?

Les hommes le font de façon hypocrite. En réalité, il veut être avec un homosexuel mais n’ose pas aller dans un bar gay. A la place, il a des relations sexuelles avec un travesti sous couvert d’être avec une femme. Les histoires de sexe que les filles m’ont racontées sont très intéressantes en ce sens. Entre temps, je suis restée avec elles pour éviter les descentes dans les maisons. Cela dépendait du fait que j’étais une turque blanche, pas une étrangère comme elles, et que Süleyman la Buse me connaissait. La rue Ülker était en train d’être nettoyée, tu sais…elles pensaient que ce serait bien si j’étais là-bas pendant cette période. C’est aussi parce que de nombreuses choses étaient interdites aux filles qui travaillaient là-bas. Elles n’avaient pas le droit d’acheter grand-chose à l’épicerie. Il y avait un embargo. J’allais à l’épicerie et leur achetais du thé, du sucre et des trucs comme ça. C’était une période étrange. Il n’y avait personne pour les aider.

D’abord, les enfants des rues, ensuite les travailleuses du sexe, les travestis et les transsexuels… Ne t’es-tu jamais sentie comme une étrangère, une « autre » au milieu des tels amis ? De plus, tu es également une turque blanche, après tout, tu étais l’enfant de parents qui avaient fait carrière et habitaient à Kalamış, un quartier privilégié d’Istanbul ? Donc, comment t’es-tu confrontée à ton « autre » ? Tu as du inévitablement projeter ton «  autre » et tes idées sur eux…

C’est possible mais mes rencontres avec eux n’avaient jamais lieu au travers d’études de terrain ou de projets. D’une certaine façon, nous nous sommes véritablement rencontrés. Après tout, j’étais une gauchiste, il y avait toujours des manifestations à l’écoleet j’y participais. Je m’attirais toujours des ennuis et me retrouvais sans argent. Par exemple, je me souviens que je fumais des cigarettes appelées « 2000 lumières », elles étaient difficiles à trouver. Les gens que je connaissais dans la rue avaient l’habitude d’économiser le plus possible et m’en donnaient quand je les voyais. Donc, oui, j’étais de gauche des pieds à la tête. Pour moi, la chose primordiale est de vivre différentes expériences avec différents rapports de pouvoir. On devient juste aussi profond que les expériences qu’on a traversées. On ne connait pas les autres expériences et en conséquence, la perception du pouvoir dans celles qu’on a vécues devient inévitablement celle qui est évidente pour nous. Quand on vit de telles expériences, on traverse soi-mêmede réels bouleversements, et notre perception du moi change, notre méthodologie change. On peut se servir de cette expérience et regarder la vie à travers un prisme totalement différent. C’est important d’être capable dese transformer. Cette problématique autour de la similitude des différences n’a rien à voir avec l’idée postmoderne que nous devrions nous rassembler et vivre heureux pour les jours à venir, au contraire, c’est quelque chose qui change les rapports entre les gens. Par exemple, si la problématique qui nous intéresse est les rapports de pouvoir entre les femmes et que notre sujet est le féminisme, c’est aussi quelque chose que je peux transformer.

Les masques… Penses-tu que les femmes turques blanches de la classe moyenne utilisent aussi des masques ? Ne sont-elles pas alors au moins aussi hypocrites que les hommes ?

Parfaitement … C’est la forme de rejet que je voulais effectuer de toute façon. J’ai rejeté tout ce qui concernait mon niveau social. Je me suis dit : « je ne deviendrai jamais universitaire. » C’est là que le proverbe : « la vie est l’activité universitaire la plus importante » prend tout son sens. Puis, j’ai pris conscience que la plupart des philosophes ou des penseurs qui m’avaient influencée n’avaient pas non plus eu de passé en tant qu’universitaires mais, à la place, avaient vécu cette vie.

Jean Genet, par exemple ?

Par exemple… J’ai été profondément influencée par Jean Genet. Sartre n’est pas à proprement parler un universitaire classique non plus. Ni Foucault, ni Bataille…Ils ne sont pas restés confinés dans les limites du schéma classique. Ils sont sortis de ce schéma classique et ont vécu des expériences qui leur ont permis de comparer et de fonder d’autres instituts, d’autres environnements en dehors de l’université. Ensuite, ils ont pu créer leurs domaines indépendants. J’ai rêvé d’un endroit où de telles rencontres auraient lieu, où la connaissance ne serait pas institutionnalisée à l’intérieur des frontières de la vie sociale mais se propagerait directement et librement au sein de la société.

Quel regard portes-tu sur les expositions d’art contemporain dont les thèmes sont la rue et « l’autre » ?

Elles me semblent dépourvues de sens. En fait, plus que dépourvues de sens, elles sont, à mes yeux, porteuses d’une certaine forme de violence. De telles expositions objectiventla matière de leur sujet parce qu’elles le catégorisent de façon inhérente. Un photographe du magazine Atlas va une fois au Tibet. Là-bas, il rencontre une tribu. Tous les hommes et les femmes sont vêtus de façon colorée. Le photographe apprend que la tribu voue un culte au soleil. Il apprend que la tribu se réveille quelques heures avant le lever du soleil pour se préparer à accueillir le soleil. Comme le soleil a une grande valeur pour eux, tout le monde revêt sa plus belle parure. C’est beau ; leur conception de la parure, c’est la couleur… La parure, c’est comme un culte pour eux. Ils pensent que le soleil les traitera à la hauteur de leur parure ;ils saluent le soleil de façon admirable. Le photographe français prend tout de suite son appareil-photo et dit : « je vais photographier ça. ». Cependant, le chef de la tribu lui dit de ne pas prendre de photos tout de suite, de ranger son appareil et de s’asseoir. Il emmène le photographe dans une tente et lui demande de boire du thé et de se reposer. Il y a un vieil homme à l’intérieur de la tente. Son visage est couvert de rides. Il a tant de rides que son visage ressemble à celui d’un mandarin …Il a une longue et fine barbe. Le photographe jette un œil autour de lui et voit une photo au mur. C’est une photo d’Engels. Le photographe français est frappé de surprise. Il trouve intéressant que ces personnes aient une photo d’Engels au mur même s’ils ne sont pas matérialistes et vouent un culte au soleil, et veut prendre en photo le vieil homme. Le vieil homme lui dit : « Vous, les hommes blancs, voulez d’abord nous prendre en photo, vous nous repérez puis venez interférer dans nos coutumes. Nous ne voulons pas que vous nous preniez en photo. ». C’est ce qu’a écrit le photographe dans son article… Il n’a, à l’évidence, pas  vraiment été touché par ces paroles parce qu’il a conclu son article en écrivant que ça avait véritablement été une vision magnifique et qu’il était déçu de ne pas avoir pu la photographier. Par contre, j’ai été énormément émue par les paroles de ce vieil homme. C’est la manière dont certains artistes abordent les choses… Il y a beaucoup de projets sur Istanbul… Y en a-t-il aucun parmi ces projets culturels qui arrive à la cheville des habitants d’Istanbul ? J’en doute. Des plateformes pour les médias ont été construites à İkitelli. C’est aussi un endroit où il y a beaucoup de bidonvilles. Le journalisme est une branchede la communication mais ces plateformes n’ont jamais rien eu à faire avec les bidonvilles. Ils sont tous tellement isolés les uns des autres… tout comme les prisons de type F… Foucault déclare qu’on peut comprendre comment une société est bâtie en observant ses prisons… La conception des prisons de type F a de nombreux points communs avec la conception urbaine. A une autre époque, quand j’étais en prison, il y avait le système des quartiers. Vous pouviez passer d’un quartier à l’autre et rester dans le quartier que vous vouliez jusqu’à la nuit. Peu importait que vous soyez un homme ou une femme…vous pouviez aller dans n’importe quel quartier.

Combien d’années es-tu restée en prison ?

Pas beaucoup, seulement deux ans et demi. Mon père a passé plus de temps en prison que moi, je n’ai pas pu battre son record. Il y est resté quatre ans.

Tu voulais battre son record ?

Certainement pas, pourquoi ça ?

Qu’est que ça fait à quelqu’un qui a dormi dans les rues d’aller en prison ?

Je l’ai vraiment mal pris. Tout le monde pensait que je ne serai pas capable de le supporter. On ne m’avait jamais autant imposé de restriction auparavant. Ni ma famille, ni la société. C’était vraiment dur pour moi. En prison, j’ai lu un livre intitulé « La Défense attaque…»[4]. Ce livre raconte que, quand quelqu’un est condamné à la peine capitale et est plus tard gracié, il passe le reste de sa vie dans un état d’esprit totalement différent et devient une personne plus docile. C’est pourquoi j’ai essayé de vivre la prison de la même manière que la vie à l’extérieur. Je lisais et je travaillais. Au lieu de casser les murs, je faisais semblant qu’ils n’existaient pas. J’ai essayé très fort de ne pas me sentir ainsi et de résister psychologiquement. Quand j’ai lu ce livre, j’ai décidé que je ne serai jamais comme ça.

Y a-t’il des différences entre les hommes et les femmes en prison ?

Oui, j’ai partagé des expériences vraiment importantes avec des femmes qui étaient complètement différentes de moi. J’ai été le témoin d’une prise de conscience significative qui s’était développée chez les femmes autour du mouvement kurde. Elles ont traversé des expériences capitales au nom de la liberté. Il y avait ce type de femmes dans nos quartiers et elles racontaient comment elles avaient tout d’abord essayé de faire comme les hommes, en portant des charges lourdes afin de s’éprouver elles-mêmes, et comment, plus tard, elles avaient toutes eu des hernies discales, et comment elles pouvaient exister d’une manière différente et comment elles s’étaient organisées entre elles. Ces rencontres ont été bénéfiques pour moi. J’ai ressenti que j’avais besoin de développer la profondeur d’approche et la richesse que le féminisme apporte à tous les champs d’étude et d’approfondir cette connaissance à l’intérieur de mon être.

Interviewer : Ayşegül Sönmez
Traduction turc-anglais : Liz Amado
Traduction  anglais- français : Julie Mills + Lucie P

 

[1]Note de Traduction : «hose» désigne un tuyau en français,  la buse étant un gros tuyau.

[2]« Matild Manukyan tenait entre 32 et 41 bordels (officiellement 14) – personne n’a jamais su le nombre exact – tous à Istanbul et presque tous situés dans le quartier historique de Karaköy, près de la célèbre tour Galata. » (http://www.lepost.fr/article/2010/03/18/1994007_mathilde-manoukian-la-madam-des-maisons-closes-d-istanbul.html)

[3]« Comment des regards emplis de tant de désirpeuvent-ils devenir si soudainement vulgaires ? Si soudainement ! Le propos est de faire la lumière sur ce qui se cache derrière ce mot « soudainement ». Les filles me disent qu’elles ont vu la plupart de ces hommes nus. Que signifie cela ? L’homme qui regarde, insulte et se déshabille. Que fontces hommes et quand? J’ai reconnu l’un d’entre eux à sa moustache. Il était dans cette maison hier. Il était dans une maison de travestis. Maintenant, il parle à la tenancière des travestis. Il profère des injures…»

« Qu’est-ce que les gens retirent en plus de leurs vêtements ? Derrière les murs, sur les chemins de la société qui conduisent vers la Terre, les corps qui propagent la vulgarité cherchent-ils l’immortalité en invoquant la mort ? Puisqu’aucune affection sincère n’est partagée dans ces chambres où les gens sont les uns avec les autres, cette recherche finit-elle toujours dans la frustration ? La seule chose vécue dans ces chambres est- elle de la déception ? Le sperme sent-il la mort ? Est-ce donc là le propos de toutes ces luttes ? ».

Masks Cavaliers Gacı, İstiklal Kitabevi Publishing, Istanbul, 2007, P.266.

[4]Jacques Verges, « la Défense attaque », Editions Métis, traduction en Turc : Vinet Kanetti, 2006.





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