La sociologue turque Pinar Selek, condamnée à perpétuité jeudi par un tribunal d’Istanbul pour terrorisme, va « demander l’asile politique » en France, a-t-elle déclaré après l’annonce du verdict.
« Je vais demander l’asile politique », a-t-elle dit à Strasbourg en réaction à sa condamnation, prononcée en son absence à Istanbul. L’universitaire de 41 ans, qui vit en exil à Strasbourg, avait été acquittée à trois reprises avant que la justice ne la condamne jeudi à la prison à vie, pour un attentat meurtrier commis en 1998 à Istanbul. Emprisonnée en Turquie à l’âge de 27 ans, elle avait été libérée en 2000 après la publication d’un rapport attribuant l’explosion à une fuite de gaz.
« C’est très difficile mais je vais résister jusqu’au bout », a-t-elle ajouté. « Je suis fatiguée mais je suis forte, grâce à la solidarité qui m’entoure ». Les juges turcs « ont voulu punir pour intimider les chercheurs, mais ils n’ont pas réussi », a affirmé Mme Selek, connue pour ses recherches sur les minorités marginalisées comme les transsexuels ou les Kurdes. Malgré le jugement, « je suis sûre qu’on a aussi gagné cette lutte » a-t-elle conclu, expliquant que des étudiants turcs avaient également manifesté devant le tribunal d’Istanbul.
La condamnation à perpétuité s’accompagne d’une mesure d’arrestation immédiate si elle se rendait en Turquie, a indiqué un de ses soutiens universitaires, Pascal Maillard. « Sa carte de séjour et sa carte d’étudiante ne sont pas assez protecteurs, donc elle va faire dès demain une demande d’asile politique », a-t-il affirmé, en ajoutant que les juges avaient « cédé à leur farce politico-judiciaire ». Pinar Selek entend organiser une conférence de presse vendredi à Strasbourg.
Un rassemblement a lieu jeudi sur le campus universitaire de l’Esplanade à Strasbourg, en présence de la sociologue strasbourgeoise d’origine turque. Accusée à tort d’avoir organisé un attentat dans son pays en 1998, elle a déjà été acquittée à trois reprises pour une participation supposée à un attentat meurtrier commis il y a 14 ans. Son 4e procès doit avoir lieu aujourd’hui à Istanbul. Plusieurs délégations de soutien à Pinar Selek ont fait le déplacement en Turquie. Parmi les délégations, plusieurs élus de la Ville de Strasbourg.Nous avons pu joindre par téléphone ce matin Pernelle Richardot qui représente Roland Ries à Istanbul.
Communiqué de la Ville de Strasbourg
« On sait très bien que c’est un procès politique, alors il faut que la lutte soit elle aussi politique »- Pinar SELEK. Après 14 ans d’un procès dont le seul but est la stigmatisation d’une démarche d’ouverture pro kurde, l’acharnement contre la sociologue Pinar SELEK franchit une nouvelle étape. De par son irrationalité, l’annonce du verdict de condamnation en ce jour surprend l’ensemble de la communauté internationale soutenant la cause de Pinar SELEK. Dès lors, Roland RIES, Sénateur Maire de Strasbourg, et ses Adjointes Pernelle RICHARDOT, représentante désignée au procès à Istanbul, et Mine GÜNBAY, soutien de la première heure, continueront de lui apporter aide et refuge. A Strasbourg, siège de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la très forte mobilisation des acteurs et citoyens locaux continuera dans ce combat pour la Justice. La libération toute récente de Florence Cassez montre que la détermination dans la lutte pour la justice peut aussi porter ses fruits.
La communauté de l’Université de Strasbourg aux côtés de Pinar SELEK : le Comité de soutien universitaire appelle à un rassemblement et à une Assemblée d’information et de soutien le 24 janvier
Pinar Selek, doctorante en sciences politiques à l’Université de Strasbourg, subit depuis bientôt 15 ans un véritable acharnement politico-judiciaire en Turquie, dans un procès dont les irrégularités scandaleuses ont été dénoncées avec force par les experts auprès du Parlement européen. Poursuivie pour un crime dont elle a été innocentée à trois reprises, elle risque pourtant d’être condamnée le 24 janvier prochain à la prison à vie. Son seul tort est le courage qu’elle a manifesté en 1998, lorsqu’elle a refusé de livrer à la police l’identité de militants kurdes sur lesquels elle conduisait ses travaux de sociologue. Ni l’emprisonnement, ni la torture, ni les manipulations judiciaires ou les intimidations n’ont entamé la résolution de la sociologue à poursuivre ses travaux, à défendre des valeurs féministes, les Droits de l’Homme et la cause des minorités. A travers ces injustes poursuites, ce sont aussi les principes fondamentaux de la liberté académique et de l’indépendance de la recherche qui sont bafoués.
Aujourd’hui la communauté de recherche et d’enseignement se mobilise en faveur de Pinar Selek. Des sociétés savantes, des associations et des organisations syndicales du monde universitaire exigent la fin des persécutions dont elle est l’objet. Le président de l’Université de Strasbourg lui a apporté le plein soutien de la communauté universitaire. Le 16 janvier 2013 des personnels et des étudiants de l’Université de Strasbourg se sont réunis afin de formaliser la constitution d’un Comité de soutien universitaire en défense de Pinar Selek. Composé de nombreux acteurs institutionnels de l’université (associations, syndicats, élus dans les conseils, représentants de la présidence de l’université) ainsi que de simples membres de la communauté universitaire (étudiants, jeunes chercheurs, personnels de toutes catégories), ce comité entend apporter sa contribution à l’ensemble des mobilisations qui se développent en France et à l’étranger pour défendre Pinar Selek et les valeurs d’humanité et de liberté qu’elle fait vivre et qu’elle incarne par son combat.(..)
Les partisans de Pinar Selek mobilisés à Istanbul