Soutien aux écrivaines turques Asli Erdogan et Pinar Selek : à Bayonne, ne pas regarder ça de loin

Jeudi 23 mars 2017 à 19h au café associatif Mami Txula à Bayonne, une lecture de soutien aux écrivaines turques Asli Erdogan et Pinar Selek permettra à notre bassin de vie de s’inscrire dans une mobilisation désormais européenne : impulsé par l’auteur Yohann Villanua, accompagné d’une slameuse et de musiciens, le rendez-vous local sera également donné à Tardets, Pau et Oloron.

Depuis des mois, des mouvements de soutien à l’auteur Asli Erdogan, pourchassée par la justice turque et dont le dernier procès en date à lieu ce mardi 14 mars, ont lieu partout en Europe, impulsés par les maisons d’édition, les librairies et d’autres mouvements intellectuels indépendants.

Aujourd’hui, l’appel s’est élargi et entend défendre également la sociologue et écrivaine turque Pinar Selek, condamnée elle aussi a la perpétuité depuis ce mois de janvier, après un procès labyrinthique et absurde commencé en 1998.

En octobre 2015, Pinar Selek était venue présenter son livre Parce qu’ils sont arméniens au Musée Basque à Bayonne et à la médiathèque de Biarritz : elle se rendait ensuite à Pau, dans le cadre des Journées de la révolution arabe et accordait à l’auteur Yohann Villanua, une longue entrevue pour le blog Hau.

Des liens et une conscience forte des résistances organisées face aux régimes autoritaires dont elle parle avec expérience, dès lors, se créaient : Yohann Villanua se penche sur les livres de cette femme aussi militante que conteuse, « C’est une humaniste et une écrivaine talentueuse. Elle a droit à sa liberté, sa créativité, en tant qu’artiste, en tant que femme ».

En exil en France, Pinar Selek harcelée depuis 19 ans par la justice turque

L’horreur peut rendre la poésie impossible. Ta bouche se tord d’effroi, ton cri se fige, ta langue se pétrifie. Les mots deviennent insignifiants. Reste le silence. Même les oiseaux peuvent avaler leur chant (Parce qu’ils étaient Arméniens, Pinar Selek, 2015)

Exilée en France depuis 2011, Pinar Selek subi un acharnement judiciaire depuis maintenant 19 ans. Engagée dans la cause kurde, arménienne, mais aussi dans les luttes sociales (droit des femmes, des enfants des rues, des personnes transgenres), elle est arrêtée une première fois en 1998 pour livrer les noms de ses sources kurdes : refusant d’obtempérer, elle se fait torturer et emprisonner.

Peu de temps après, elle se retrouve soudainement mêlée à un attentat terroriste et condamnée à perpétuité : jugée quatre fois, acquittée en 2014, la Cour Suprême turque demande l’annulation de cette décision depuis ce 25 janvier 2017, sans aucun nouvel élément.

Asli Erdogan, sous la menace d’une nouvelle condamnation à perpétuité

Je suis dans l’un des angles morts du destin, un noeud formé de toutes ces routes qui n’en finissent plus de se chevaucher, sans lumière, sans issue et sans retour comme dans un cercueil… (Asli Erdogan, Le silence même n’est plus à toi, janvier 2017)

Accusée de participer à un groupe terroriste armé car conseillère littéraire dans un journal pro kurde, la poète et romancière est enfermée neuf mois dans une prison pour femmes à Istanbul, dans des conditions de détention à même d’atteindre fatalement à sa santé fragile.

Son éditeur Actes Sud avait alors adressé une lettre à la presse pour appeler à partager les textes d’Asli Erdogan, de quelque façons que ce soit et à crier à sa libération immédiate : en liberté conditionnelle depuis le 29 décembre 2016, Asli Erdogan attend un nouveau procès ce jour-même. La romancière reste en liberté provisoire, mais ne peut toujours pas quitter le territoire turc, comme l’a encore confirmé l’audience qui s’est tenue ce mardi 14 mars 2017, dans la 23e chambre du tribunal d’Istanbul.

Ne pas regarder ça de loin, au Pays basque et en Béarn

Je savais que ses portes s’ouvraient différemment vers l’intérieur ou vers l’extérieur … Pinar Selek

Le sort de ces deux femmes intellectuelles et engagées rappelle aujourd’hui à quel point la liberté de conscience subit une purge massive en Turquie : rien que cette semaine, 13 journalistes et six salariés du milieu de l’édition ont été arrêtés (Source CPJ).

« Ils veulent leur couper les cordes vocales. Mais on est nombreux. Ce ne sont pas les likes sur Internet qui comptent, mais de faire connaître les textes, de faire sortir les mots des murs qu’ils veulent bâtit autour. Ce mouvement là est indépendant, il vient des libraires, des maisons d’édition, des gens. Les journalistes d’Egunkaria auraient aimé avoir ce soutien », ajoute Yohann Villanua, diseur, auteur de pièces de théâtre et de deux romans (Une invasion de truites aux éditions Le Chardon, et un recueil de poésie aux éditions Atlantica)

Durant cette soirée, avec lui, l’auteur-interprète, slameuse Amandine Monin donnera voix aux œuvres des deux écrivaines mais aussi aux textes de poètes militants arabes. Il y aura également un texte de Pinar Selek traduit en euskara. Un accordéoniste et un musicien kurde joueur de saz (luth turque) mettront les mots en musique, avec un espace à la participation du public, si certains voulaient lire aussi.

Dates :

Jeudi 23 mars, 19h à Mami Txula (Bayonne) ;
Vendredi 24 mars à Tardets, association Prévost ;
Jeudi 30 mars à Pau, vendredi 31 mars à la librairie L’Escapade d’Oloron.

Kattalin Dalat
http://www.eklektika.fr/soutien-ecrivaines-turques-asli-erdogan-et-pinar-selek-2017-bayonne/





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