«Monsieur le président, Pinar Selek mérite un soutien ferme et inconditionnel de la République»

Un collectif de personnalités politiques, du monde intellectuel et de la culture, dont Annie Ernaux, Ariane Ascaride et Etienne Balibar, appelle Emmanuel Macron à assurer la protection nécessaire à la sociologue et écrivaine franco-turque, condamnée à la prison à perpétuité par la Cour suprême de Turquie.

Monsieur le président de la République,

Au cours des dernières années, nous avons été amenés à échanger à plusieurs reprises avec vous et avec des membres de vos gouvernements successifs au sujet de la situation de Pinar Selek et de l’indispensable mobilisation de l’Etat français pour assurer la sécurité de notre concitoyenne eu égard à la persécution judiciaire dont elle est victime en Turquie, son pays d’origine.

Ainsi, répondant à notre sollicitation, vous nous écriviez le 16 janvier 2018 que vous entreteniez «avec la Turquie un dialogue soutenu et exigeant sur la question des droits de l’Homme», et que «la Turquie [devait] respecter ses engagements européens et internationaux en matière de libertés fondamentales».

Aujourd’hui, la situation de Mme Pinar Selek a brutalement évolué depuis l’annonce par la Cour suprême de Turquie mardi 21 juin 2022 de l’annulation de son acquittement, en dépit d’un dossier judiciaire vide et des quatre audiences qui, après un examen des faits ont conduit, au fil de vingt-quatre ans de procédure, à ce que soit à chaque fois reconnue son innocence. Outre la gravité de la nouvelle injonction de la Cour suprême de Turquie, qui au mépris de la réalité des faits exige que Pinar Selek soit condamnée, ce sont également des demandes de dommages et intérêts qui risquent à présent de s’abattre sur la sociologue et de faire peser sur elle et sa famille une pression financière inouïe.

Nous nous permettons de rappeler que Pinar Selek a bénéficié de l’asile politique dans notre pays, qu’elle a ensuite acquis la nationalité française et qu’elle est aujourd’hui enseignante chercheure à l’université Côte-d’Azur. Femme engagée, sociologue reconnue et écrivaine talentueuse, Pinar Selek est une grande figure de la défense de la liberté, de la recherche et des droits humains. Nous croyons qu’elle mérite la reconnaissance et le soutien de la République.

C’est pourquoi nous attirons votre attention sur l’urgence qu’il y aurait à ce que la France rappelle publiquement son soutien ferme et inconditionnel à notre compatriote et proteste auprès de la Turquie contre cette décision, qui traduit un harcèlement judiciaire hors du commun, une torture institutionnelle insupportable, et une atteinte au droit de Pinar Selek à être jugée de manière équitable, par un juge indépendant et impartial dans un délai raisonnable. Nous estimons enfin essentiel que votre gouvernement mette tout en œuvre pour assurer la protection nécessaire de notre ressortissante face aux conséquences de cette décision de justice, en particulier sur la sécurité et les biens de Pinar Selek.

Nous sommes convaincus, monsieur le président de la République, que vous serez sensible à la situation de Pinar Selek et que vous agirez à la mesure de l’urgence.

La Coordination nationale des collectifs de solidarité avec Pinar Selek.

Premiers signataires : Arié Alimi, avocat au barreau de Paris ; Ariane Ascaride, comédienne ; Rusen Aytaç, avocate, membre du Conseil national des barreaux ; Etienne Balibar, professeur émérite, université de Paris-Nanterre ; Ludivine Bantigny, universitaire, historienne ; Zerrin Bataray, avocate, conseillère régionale Auvergne Rhône-Alpes ; Patrick Baudouin, avocat au barreau de Paris, président de la LDH ; Julien Bayou, député, président du groupe Ecologiste-Nupes à l’Assemblée nationale ; Alain Beretz, ancien président de l’université de Strasbourg ; Oristelle Bonis , éditrice en chef, Éditions IXe ; Henri Braun, avocat au barreau de Paris ; Jeanick Brisswalter, président de l’université Côte-d’Azur ; Christine Buisson, chercheuse, co-secrétaire nationale de Sud Recherche EPST Solidaires ; Judith Butler, Maxine Elliott Professor of Comparative Literature and Critical Theory, University of California, Berkeley ; Claude Calame, historien et anthropologue, directeur d’études à l’EHESS, président de la section EHESS de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Gérard Chaliand, écrivain ; Fabien Charreton, libraire ; Laurence De Cock, historienne, LDH ; Michel Deneken, président de l’université de Strasbourg ; Simon Duteil et Murielle Guilbert, délégués généraux de l’Union syndicale Solidaires ; Annie Ernaux, écrivaine ; Eric Fassin, sociologue, Paris-VIII ; Elsa Faucillon, députée, Gauche démocrate et républicaine-Nupes ; Olivier Faure, député de Seine-et-Marne, premier secrétaire du Parti socialiste ; Robert Guédiguian, réalisateur ; Jacqueline Heinen, professeure émérite de sociologie, UVSQ Paris-Saclay ; Béatrice Hibou, politiste, directrice de recherche, Sciences-Po, Ceri, CNRS ; Ahmet Insel, économiste, ancien professeur de l’université Galatasaray, Istanbul ; Henri Leclerc, avocat honoraire, président d’honneur de la LDH ; Marie Lesclingand, directrice du département de sociologie-démographie de l’université Côte-d’Azur ; Valérie Manteau, écrivaine, prix Renaudot 2018 ; Sylvie Monchatre, sociologue, professeure, université Lumière Lyon-II ; Rina Nissim, écrivaine, éditrice et naturopathe ; Mathilde Panot, députée, présidente du groupe LFI-Nupes à l’Assemblée nationale ; Marie-Aimée Peyron, avocate, ancienne bâtonnière de Paris, vice-présidente du Conseil national des barreaux ; Jean-François Pinton, président de l’ENS de Lyon ; Edwy Plenel, journaliste ; Martin Pradel, avocat au barreau de Paris ; Reine Prat, autrice, ancienne haute fonctionnaire au ministère de la Culture ; Sandra Regol, députée écologiste-Nupes ; Anne Roger, secrétaire générale du Snesup-FSU ; Marie Rodriguez, LDH de Marseille ; Laurence Roques, avocate, présidente de la commission Libertés droits de l’Homme du Conseil national des barreaux ; Gaëlle Ronsin, directrice de publication de la revue Silence ; Réjane Sénac, directrice de recherche au CNRS ; Josiane Tack et Patrick Boumier, cosecrétaires généraux du SNTRS-CGT.

Publié le 13 juillet 2022 à 11h26

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